Dr Jean Chambry (GHU Paris) : « L’enjeu est de coordonner toutes les interventions »

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Publié le 10/11/2023
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Pour l'ancien président de la Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent et pédopsychiatre, le Dr Jean Chambry, la Maison de l’enfant et de l’adolescent est une tentative prometteuse de réponse à la crise de la pédopsychiatrie.

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LE QUOTIDIEN : La Maison de l’enfant et de la famille (MEF) de Créteil propose une pédopsychiatrie « écosystémique ». D’où vient cette approche ?

Dr JEAN CHAMBRY : L’idée est tirée des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie de 2021. Elle s'inspire de la Maison des adolescents et de l’ambition de disposer d’une gradation dans la prise en charge. C’est une réponse à la surcharge que connaissent les centres médico-psychologiques (CMP). Ils se retrouvent à traiter des demandes qui auraient pu être anticipées.

Pour les adolescents, il s’agit d’avoir un premier niveau de prise en charge avec un regard global et pluridisciplinaire sur la situation. Il n’y a pas de raison que cette approche ne soit pas pertinente pour les enfants.

Une approche systémique mobilise tous les acteurs de l’enfance, et tout ce qui participe à la vie de l’enfant. Le registre d’interventions n’est pas que psychiatrique, il relève aussi de la santé mentale au sens large et de la prévention pour une action précoce. L’enjeu est de réduire les clivages et le manque de coordination entre les différentes interventions possibles.

Les Assises ont encouragé le développement d’expérimentations locales portées par différents acteurs : les CMP, mais aussi les PMI ou les équipes hospitalières. Dans cette optique, la MEF est une belle expérience. Si elle fonctionne, il faudra envisager de la généraliser.

Ce type de maisons peut-il répondre à la crise de la pédopsychiatrie ?

Oui, dans la mesure où le projet reprend l’idée que la santé mentale, ce n’est pas seulement de la psychiatrie. Plusieurs niveaux d’intervention sont nécessaires pour couvrir les besoins : un premier sur le repérage et la mobilisation de la prévention ; un deuxième sur l’affirmation d’un diagnostic et les soins ; et un troisième sur les cas complexes.

Le problème actuellement, c’est le premier niveau. Certains généralistes le font mais ça réclame du temps et des compétences. Les PMI et la médecine scolaire jouent aussi ce rôle. En parallèle, on reproche souvent aux CMP d’accueillir le tout-venant, mais quand ce n’est pas le cas, les acteurs à solliciter ne sont pas identifiés. C’est tout l’intérêt d’un premier niveau performant.

La question n’est pas seulement celle des moyens : on manque de soignants. Les projets soutenus ne sont pas en place faute de personnel.

Qu'apporte l’unité mixte mobile d’intervention scolaire (Ummis) de la MEF, qui se déplace dans les écoles à la demande des établissements ?

Observer les facteurs qui participent aux difficultés de comportement de l’enfant, l’ambiance de l’école, la relation avec les camarades et les adultes, tout cela contribue à l’analyse de la situation de l’enfant et permet de ne pas le réduire à des troubles. Toutes ces dimensions sont intéressantes pour proposer des interventions. Et les enseignants en ont besoin pour adapter leurs outils pédagogiques.

Le Pr Baleyte relève un « décalage entre la connaissance des troubles et les moyens pour la prise en charge ». Partagez-vous ce constat ?

Au-delà de la question des moyens, le changement des pratiques est toujours difficile. Quand de nouvelles connaissances émergent, il faut pouvoir se former. Les principaux obstacles sont le temps et la motivation. Même dans une équipe prête au changement, il faut de la disponibilité. Or le contexte de tension permanente, avec partout des postes non pourvus, n'est pas favorable. Le changement doit aussi être initié en équipe, une personne ne peut pas impulser une dynamique seule.

Propos recueillis par Elsa Bellanger

Source : Le Quotidien du médecin