« EN NÉONATALOGIE, nous avons en prendre en charge une population de patients qui ont des besoins nutritionnels spécifiques soit en raison de la pathologie ayant conduit à leur hospitalisation soit en raison de leur degré de maturation et de leur tolérance métabolique. Cette population d’enfants est de fait hétérogène car nous nous traitons des grands prématurés avec des besoins nutritionnels très spécifiques, mais aussi des enfants nés proches du terme ou à terme mais qui présentent une pathologie médicale ou chirurgicale. Chaque enfant a donc des besoins nutritionnels qui lui sont spécifiques et qui dépendent entre autres de leur âge, de leur pathologie, de leur maturation et de leur tolérance métabolique », explique le Pr Alexandre Lapillonne. Par exemple, chez les grands prématurés, nés avant la 32e semaine de gestation, la nutrition parentérale instaurée dès la naissance permet d’assurer la couverture des besoins de base car ces nouveau-nés ne peuvent ni tolérer une nutrition entérale totale par défaut de maturation intestinale ni une période de jeun plus ou moins prolongée. Elle permet initialement d’éviter les hypoglycémies, et de prévenir la dénutrition sévère. Ce n’est qu’en l’augmentant progressivement en fonction de la tolérance métabolique que cette nutrition parentérale permettra de lancer l’anabolisme et d’assurer une croissance adaptée. Les prescriptions de nutrition parentérale sont donc le plus souvent individualisées et surtout quotidiennement adaptées en fonction des besoins théoriques et de la tolérance métabolique. En cas de grande prématurité cette alimentation peut être poursuivie seule ou en association avec une nutrition entérale partielle pendant plusieurs semaines jusqu’à ce que une nutrition entérale (ou orale) totale soit tolérée.
Mais qui fournit ces solutés ? Pourquoi l’enquête concernant l’hôpital de Chambéry a-t-elle d’emblée permis de cibler deux fournisseurs dont il s’avère aujourd’hui qu’un seul, le laboratoire Marette, a fourni les poches.
«Il y a plusieurs voies d’approvisionnement », détaille le Pr Lapillonne.
• Les solutés standards
La première est de prescrire un soluté standard commercialisé par l’industrie. Des solutés spécifiquement conçus pour le nouveau-né sont disponibles en France depuis 3 – 4 ans. On peut par exemple citer la gamme PEDIAVEN commercialisée par la société Fresenius ou le NP 100 commercialisé par l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris. Ces solutés bénéficient d’une AMM chez le prématuré. Le RCP de ces produits prévoit toutefois qu’ils puissent être modifiés et que des ajouts puissent être réalisés. « On peut ajouter dans des conditions spécifiques, de préférence sous flux laminaire et en respectant le RCP, des oligo-éléments, des vitamines ou certains ions afin d’adapter ces solutés standards aux besoins de l’enfant. ».
• Le pharmacien hospitalier : 2 cas
La deuxième est celle de la nutrition parentérale individualisée. « La néonatalogie est le plus gros prescripteur de nutrition parentérale individualisée. Les pharmacies hospitalières travaillent donc essentiellement avec les services de néonatalogie. L’ordonnance du médecin est adressée au pharmacien hospitalier qui, dans les plus grosses structures hospitalières dispose d’une unité de production de solutés parentéraux » affirme le Pr Lapillonne. Ils sont produits dans une salle blanche par des automates, dans des conditions d’asepsie parfaite, et garantissent la galénique (vérification du risque de précipitation) et la sûreté microbiologique. Les solutés sont étiquetés au nom de chaque enfant pour lequel la préparation a été demandée en indiquant clairement la composition de la poche. Ces données seront contrôlées par les infirmières au moment de l’utilisation. « C’est ultra-confortable, précise le néonatalogiste, mais ce mode de prescription a un coût élevé si le nombre de poches préparées est faible ». A l’Assistance Publique, la préparation des poches de nutrition parentérale est mutualisée et actuellement seules deux pharmacies hospitalières préparent ces poches pour les 6 à 7 services de néonatologie de l’AP.
Le pharamcien hospitalier
La troisième, celle des plus petits centres, est de demander une préparation au pharmacien hospitalier. « Les petits centres hospitaliers ne disposent pas d’automate, c’est donc au pharmacien de préparer la poche de nutrition parentérale correspondant à la prescription, en général sous flux laminaire » explique Alexandre Lapillonne. Par contre, la préparation de poche de nutrition parentérale directement dans les services de soins ne doit plus se faire car il n’y a aucune garantie bactériologique ni galénique et aucun contrôle par un pharmacien alors que la nutrition parentérale rentre dans le champ du médicament.
• Les prestataires externes
Enfin, la quatrième solution adoptée par l’hôpital de Chambéry, comme beaucoup d’hôpitaux français est de s’adresser à prestataire de service externe, c’est-à-dire un industriel ayant les capacités techniques et les autorisations pour ce type d’activité. La qualité de préparation est en général considérée comme excellente et comparable à celle des pharmacies hospitalières équipées de salle blanche.
L’inconvénient principal est que la prescription doit en général se faire 24 à 48 heures en avance pour permettre la fabrication et la délivrance en temps et heures.
«Ces industriels ont le droit de fabriquer des poches standards nominatives mais pas celui de fabriquer des poches standards » précise le Pr Lapillonne.
Enfin, alors que la contamination bactériologique des poches de nutrition parentérale s’avère certaine (voir encadré ) d’autres hypothèses auraient pu être envisagées. « D’autres possibilités de contamination bactérienne « en série » ont été décrites dans les services de néonatologie. Si les infections liées à l’alimentation entérale et non respect de la chaine du froid sont bien connues, il ne faut pas oublier que le microbiote intestinal du prématuré est très dépendant de la flore de l’environnement et qu’une fois colonisé, des translocations sont possibles dans certains conditions, translocations pouvant être responsables d’infection graves voire fatales » tient à souligner le Pr Lapillonne.
› Dr ANNE TEYSSÉDOU
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