Une Maison de l’enfant et de la famille, à Créteil, prend en charge les enfants de moins de 12 ans dans leur écosystème (famille, école, institution socio-éducative…). Cette approche mêle les soins, l’expérience « partagée » et la recherche pour co-construire des réponses psychiatriques, médicales, mais aussi sociales et éducatives, adaptées à chacun.
En ouvrant une Maison de l’enfant et de la famille (MEF) dans un quartier pavillonnaire de Créteil, le Pr Jean-Marc Baleyte, chef du service universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent du Centre hospitalier intercommunal de Créteil (CHIC), réalise un « rêve de vingt ans » : celui de voir « les parents et les chercheurs se rencontrer à la machine à café », expliquait le pédopsychiatre lors de son inauguration le 26 septembre.
Ce lieu, « unique en France » selon l’équipe, regroupe plusieurs unités de soins dans un bâtiment de 1 600 m2 entourant un jardin. Les 70 professionnels de santé de la structure, dont dix médecins, y assurent une prise en charge « transversale et systémique de l’enfant », indique Sonia Neurrisse, directrice générale adjointe du CHIC. Le « large panel d’activités » proposé se positionne « au plus près de l’environnement des enfants », poursuit-elle. C’est une « réponse aux besoins » dans une « discipline sinistrée », ajoute Jean-Marc Breton, président du conseil de surveillance du CHIC.
Un accompagnement coconstruit
Dédiée aux moins de 12 ans, la Maison prend en charge plusieurs pathologies, des troubles du spectre autistique (TSA) à l’anorexie mentale, en passant par les troubles du neurodéveloppement (TND), les traumatismes ou encore les troubles anxieux dépressifs. L’approche se veut pluridisciplinaire, mais surtout « partagée » avec les familles, les écoles, les institutions médico-sociales et les associations, pour un accompagnement coconstruit avec les acteurs de l’environnement de l’enfant.
« La lecture d’un trouble ne peut être comprise hors de son contexte historique et relationnel », souligne l’équipe. Et, quel que soit le trouble, « il est fondamental de ne pas "découper" les besoins des enfants et des familles en fonction de l’organisation de l’institution. Les prises en charge les plus efficientes sont celles qui mettent le patient au centre et l’entourent de toutes les compétences qui peuvent l’aider », explique le Pr Baleyte.
Cette offre de pédopsychiatrie « écosystémique » passe notamment par un « diagnostic de situation » (psychiatrique et psychopathologique, étiologique et somatique, fonctionnel, relationnel) et l’identification des ressources de l’environnement pour les enfants atteints de TSA ou de TND. Au sein des hôpitaux de jour (HDJ), pour les « petits » (moins de 5 ans) et les « grands » (de 5 à 12 ans), cette étape est un préalable à l’élaboration, en six mois, des interventions, notamment familiales.
L’équipe s’appuie sur la thérapie d'échange et de développement (TED), axée sur la communication orale et l'échange ludique entre l'enfant avec un TSA et le thérapeute, ou le dispositif Pact (parents acteurs des soins) pour une thérapie médiée par les parents, avec des séances filmées pour analyse. Ces approches tendent à combler le « décalage entre la connaissance des troubles et les moyens pour la prise en charge », souligne le Pr Baleyte.
Impliquer les familles
« Les familles participent aux soins et échangent aussi entre elles. Ce soutien est un fil rouge de la prise en charge », insiste la Dr Anne Tugault, pédopsychiatre et responsable de l’HDJ. Au total, 21 enfants peuvent y être accueillis. « La démarche est exemplaire mais il faudrait cinq à dix fois plus de places pour couvrir les besoins du département », regrette le Pr Baleyte.
Cette collaboration s’illustre aussi à travers les thérapies multi-familiales sur des problématiques communes. Elles s'étalent sur neuf mois - à raison de 4 à 8 heures hebdomadaires – avec l’objectif d’aboutir à des changements durables. Ces séances permettent de « puiser dans la force du collectif », commente le Pr Baleyte. « Nous soutenons les parents pour les aider à retrouver leurs compétences parentales, que les troubles mettent souvent en échec en les isolant et en les stigmatisant », abonde le Dr Jérôme Payen de La Garanderie, pédopsychiatre. L’ambition est de travailler sur « le lien comme levier de changement des individus », poursuit-il.
Plus globalement, en accordant une part importante « à l’accueil et à l’observation de la situation, et pas seulement de l’enfant ou de l’adolescent seul », la MEF appuie ses interventions sur « une conception situationnelle, participative et développementale du soin, innovante dans la mesure où le modèle dominant en médecine s’avère celui du diagnostic et de la prise en charge individuelle », indique le pédopsychiatre.
Cette logique s’applique hors les murs avec l’unité mixte mobile d’intervention scolaire (Ummis), dédiée aux moins de 12 ans présentant un comportement jugé « perturbateur » par leur établissement et compromettant leur avenir scolaire. Les équipes pluridisciplinaires (pédopsychiatre, orthophoniste, psychologue, psychomotricien, éducateur spécialisé, assistant de service social, enseignant spécialisé) se rendent dans les classes, posent un diagnostic de situation et proposent un projet d’intervention entre l’école, l’élève et sa famille et l’unité.
Une ouverture sur la cité
Au sein de l’unité de clinique transculturelle, l’approche systémique se traduit par une prise en compte des contextes dans lesquels évoluent les enfants et leurs familles. Pour ces consultations de deuxième ligne, individuelles ou en groupe, un interprète est systématiquement proposé pour faciliter le travail de décryptage.
L’unité s’adresse aux familles confrontées à la question de l’origine et de la transmission (naissance, scolarisation, adolescence, deuil…), à celles en apprentissage de la parentalité dans un pays d’accueil, ou encore aux demandeurs d’asile et réfugiés politiques. Les interventions sont centrées sur les ruptures, les évènements traumatiques ou le choc culturel. Au sein de cette unité, la clinique du psychotrauma constitue un outil plus spécialisé et ciblé et assure notamment la gestion des retours de Syrie.
Pour compléter le dispositif, un espace de la MEF, l’« espace Pluriel », accueille tous les « partenaires qui font la vie de l’enfant » : ORL, ophtalmologues, pédiatres, spécialistes du sommeil, mais aussi associations, médiateurs ou encore chercheurs. Cet espace traduit l’ambition de la MEF « d’associer la recherche la plus pointue, les savoirs empiriques et l’ouverture sur la cité », conclut le Pr Baleyte.