La création des cellules d’urgence médico-psychologique (CUMP) en 1997 et leur médiatisation ont contribué à une prise de conscience des répercussions des événements traumatogènes sur la santé physique et mentale.
Mais, les attentats de 2015 à Paris et de 2016 à Nice « ont accéléré la dynamique de reconnaissance des psychotraumatismes et leur prise en charge, alimentée par ailleurs par les mouvements sur les violences intrafamiliales et les violences faites aux femmes, raconte Sylvie Molenda, psychologue à la CUMP de Lille, membre du Centre national de ressources et de résilience (CN2R) et membre d’un des groupes de travail de la Haute Autorité de santé (HAS). La création du CN2R en 2019 en atteste. »
« On observe une dynamique depuis 2015 pour faire converger l’ensemble de ces questions et les traiter par un réseau de spécialistes de ces différents types de situation, et développer l’offre de soins », ajoute le Pr Thierry Baubet, psychiatre et référent scientifique du CN2R.
C’est dans ce contexte que la HAS, saisie par la direction générale de la santé (DGS) et la direction générale de l’offre de soins (DGOS), a initié dès 2017 des travaux en vue de l’élaboration de recommandations pour le repérage, le diagnostic et la prise en charge du psychotraumatisme chez le bébé, l’enfant et l’adulte.
Syndrome psychotraumatique ou TSPT ?
« Le terme de syndrome psychotraumatique est employé de manière générique : soit le tableau clinique n’est pas complet et ne permet pas de poser le diagnostic de trouble de stress post-traumatique (TSPT) tel que défini dans la CIM-11 (Classification internationale des maladies) ou le DSM-5 (Manuel diagnostique et statistique et des troubles mentaux), soit le TSPT n’est qu’une conséquence en termes de santé mentale parmi d’autres liées aux traumatismes répétés », explique Sylvie Molenda.
Selon le DSM-5, toute situation qui implique « une mort effective, une menace de mort, une blessure grave ou des violences sexuelles » est considérée comme traumatogène avec comme conséquence potentielle un psychotraumatisme ou un syndrome psychotraumatique. Parmi ces traumatismes, le TSPT est défini par quatre types de symptômes : la reviviscence ou le syndrome intrusif, l’hypervigilance/hyperréactivité, l’évitement, les altérations négatives persistantes au plan cognitif et de l’humeur.
Quand les séquelles psychotraumatiques sont laissées par un événement traumatogène unique, le TSPT est désigné comme « simple », « sans que cela ne préjuge de la gravité du trouble », précise Sylvie Molenda. La notion de TSPT « complexe » a été développée, « depuis au moins deux décennies », pour prendre en compte la spécificité des traumatismes répétés, vécus notamment par les enfants. « Au-delà des symptômes classiques du TSPT, les victimes de traumatismes répétés vont présenter toute une série de dysfonctionnements dans la relation à l’autre et à soi-même, leur personnalité s’étant structurée autour de leur histoire traumatique », détaille la psychologue.
Près de 5 % de la population vivra un syndrome psychotraumatique
De nombreux événements peuvent être traumatogènes : les violences physiques et sexuelles, les accidents graves, les morts violentes (suicide, homicide ou accident), les catastrophes naturelles, technologiques, accidentelles, mais aussi les attentats, les violences politiques et les guerres, les déplacements forcés, les expositions traumatiques professionnelles ou encore les situations de harcèlement institutionnelles, scolaires, professionnelles. Selon la lettre de cadrage de la HAS, « les syndromes psychotraumatiques, complets ou partiels, toucheraient en France 4,6 % de la population générale », le TSPT concernant entre 1 et 2 % de la population.
L’enjeu des recommandations est ainsi de proposer une prise en charge globale : médicale (somatique et psychiatrique), psychologique, sociale et juridique. Pour l’heure, les pratiques s’appuient sur plusieurs méta-analyses et guides internationaux. « Les plus récentes sont convergentes autour des thérapies comportementales et cognitives (TCC) centrées sur le trauma et sur l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing ou intégration neuro-émotionnelle par les mouvements oculaires, NDLR), mise au point par Francine Shapiro à partir de 1987 », rappelle Sylvie Molenda.
Les recommandations, attendues pour le troisième trimestre de 2022, visent également à instaurer une prise en charge la plus précoce possible et à « améliorer la coordination des structures existantes et organiser le travail en réseau », via les centres régionaux du psychotraumatisme, en cours de reconnaissance par le ministère de la Santé (au nombre de 10 en 2020) et coordonnés par le CN2R, indique la HAS.
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