Les douleurs sexuelles se manifestent lors de la pénétration mais également dès les caresses génitales. Elles sont toutes reliées à une activité sexuelle. Le symptôme le plus souvent rencontré en consultation est la dyspareunie, qu’elle soit superficielle ou profonde. Il faut souligner leur forte prévalence puisqu’une revue récente montre qu’elles existent chez 14 à 34 % des femmes les plus jeunes et chez 6 à 45 % des femmes les plus âgées (1).
La douleur est une émotion parfois tellement envahissante que la question s’est posée de savoir s’il n’existait pas une personnalité psychopathologique associée. Pléthore d’études existent sur le sujet et immanquablement on retrouve chez les femmes présentant des douleurs sexuelles un profil plutôt anxieux, dépressif, phobique, et également des antécédents d’abus sexuel. Le style d’attachement développé dans l’enfance fait partie des facteurs étudiés dans les études. Rappelons que l’attachement est le produit de comportements qui tendent à rechercher et à maintenir la proximité avec une personne spécifique (2). C’est un système inné et primaire qui se développe dans les premières années de vie, l’enfant construisant un lien affectif avec la personne qui prend soin de lui. Il se développe chez l’enfant en fonction de deux types de menaces : soit un véritable danger potentiel qui n’est pas relié à la figure d’attachement ; soit un risque de séparation ou de perte de la figure d’attachement. On sait que le style d’attachement reste stable tout au long de la vie chez environ 70 % des individus.
Anxiété et évitement : deux attitudes insécures
À l’âge adulte, le partenaire amoureux devient la nouvelle figure d’attachement, il est l’objet d’un désir de proximité et devient source de réconfort. Aujourd’hui, l’attachement amoureux est conceptualisé en fonction de deux dimensions principales : l’anxiété face à l’abandon et l’évitement de l’intimité. Le fait de croiser ces deux dimensions définit quatre styles d’attachement : sécure, insécure avec forte anxiété d’abandon, insécure avec évitement de l’intimité et insécure avec oscillations entre stratégies d’hyperactivation (pour encourager le partenaire à faire l’amour) et de désactivation du système d’attachement (évitement et désintérêt des besoins du partenaire). Différents travaux ont analysé les relations entre douleurs sexuelles et styles d’attachement. Des auteurs ont ainsi démontré la présence majeure d’un style d’attachement insécure chez les femmes souffrant de dyspareunie. Ces femmes ont le plus souvent recours à des stratégies d’évitement de la sexualité que les femmes du groupe contrôle. Le style d’attachement évitant est, dans cette étude, également corrélé à une plus grande intensité de la douleur (3). La satisfaction sexuelle est moindre chez les insécures évitantes comme anxieuses et la douleur est plus forte si le partenaire a un style d’attachement évitant. Pour les auteurs, la douleur sexuelle constituerait une tentative de résolution du conflit interne issu de l’insécurité de l’enfance. L’attitude paradoxale face à l’intimité du lien, c’est-à-dire chercher la sécurité dans une relation avec un partenaire incapable de la donner, amènerait ces femmes à développer une douleur sexuelle chronique.
Pour apporter une note optimiste, des auteurs ont montré que, même dans un contexte de douleur, les femmes au style d’attachement anxieux peuvent témoigner d’une certaine satisfaction sexuelle lorsqu’elles affirment leurs préférences dans la sexualité (4).
Face à la douleur sexuelle des femmes, on peut individualiser trois réponses déterminantes chez le partenaire. L’attitude facilitatrice, avec partenaire très présent entraîne une amélioration de la douleur et une satisfaction sexuelle. Le partenaire culpabilisant, on s’en doute, ne fait que renforcer la douleur et impacte la satisfaction sexuelle en entraînant souvent chez lui une baisse de désir et des problèmes érectiles. Le troisième type est représenté par le partenaire plein de sollicitude, ce qui ne fait qu’augmenter la douleur de la femme et son comportement d’évitement avec diminution de la satisfaction sexuelle des deux côtés.
Face aux douleurs sexuelles, il est nécessaire d’associer à la prise en charge médicale et kinésithérapique, une psychothérapie développant au niveau conjugal une sécurité du lien d’attachement et au niveau individuel une bonne affirmation sexuelle.
(1) Van Lankveld et al. Women’s sexual pain disorders. Journal of sexual medicine 2010 ;7(1):615-31
(2) Bowlby J. Attachement et perte 1969 ; vol 1
(3) Granot M et al. Characteristics of attachment style in women with dyspareunia. Journal of sex ant marital therapy. 2011 ;37(1):1-16
(4) Leclerc B et al. Attachment, sexual assertiveness, and sexual outcomes in women with provoked vestibulodynia and theirs partners : a mediation model. Archives of sexual behavior 2014;43:1-12
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