Dépression du post-partum, les pères aussi

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Publié le 07/03/2024
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La dépression post-partum paternelle est un sujet dont on commence à parler, au regard des changements sociétaux et culturels qui modifient les représentations traditionnelles de la famille. Il semble essentiel aujourd’hui de repenser l’accueil des pères en période périnatale.

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

La santé mentale paternelle périnatale a commencé à être étudiée il y a une dizaine d’années, avec l’émergence du concept de dépression paternelle du post-partum (de la grossesse à la première année de vie du bébé).

Jusqu’à 10 % des pères

La prévalence de cette pathologie est difficile à évaluer. Selon plusieurs méta-analyses, la dépression toucherait 8 à 10 % des pères la première année de post-partum, avec une période de plus grande vulnérabilité du 3e au 6e mois après la naissance.

« Le questionnaire EPDS (Edinburgh Postnatal Depression Scale) a été validé pour aider au dépistage. Cependant, chez les pères, le cut-off est plus bas : le seuil est inférieur de deux points au dépistage de la dépression chez les mères », explique la Dr Ludivine Guérin (pédopsychiatre, CHU Toulouse).

Une méta-analyse (Kara L., 2022) portant sur 23 études (30 000 couples) a cherché à estimer la prévalence de la dépression périnatale dans les couples (chez les mères et chez les pères). En période anténatale, la prévalence des épisodes dépressifs caractérisés (EDC) était de 1,72 % chez les deux parents simultanément. Elle passait à 2,37 % en période post-natale précoce (0-3 mois) et à 3,8 % entre 3 et 12 mois.

Les données issues d’une récente étude australienne (Rebecca Giallo 2022) sur 205 pères suivis la première année après la naissance de leur premier enfant sont encore plus alarmantes : 8,3 % ont présenté un EDC modéré à sévère, 5 % avaient des idéations suicidaires, 3 % des idées suicidaires scénarisées et 1 % avaient fait des tentatives de suicide (à titre de comparaison, hémorragie de la délivrance : 1 % des grossesses, prééclampsie : 1-2 % des grossesses).

Quels facteurs de risque ?

Les symptômes dépressifs peuvent être difficiles à repérer. Ils sont généralement moins apparents chez les pères que chez les mères. Ils peuvent manifester un retrait social et une irritabilité plus importante. La consommation d'alcool, de drogues, l'augmentation des conflits conjugaux peuvent également constituer des signes d’une dépression du post-partum. Les troubles du sommeil et les troubles anxieux sont fortement corrélés.

Certains facteurs de risque sont bien connus : antécédents personnels de dépression, dépression anté- et postnatale maternelle (25-50 %), conflits et insatisfaction conjugale, pauvreté (en Éthiopie, 30 % des pères seraient dépressifs), faible soutien social, grossesse non désirée…

Des modifications hormonales masculines ont également été observées en fin de grossesse : plus les pères sont investis, plus leur niveau de testostérone baisse et leur niveau de progestérone augmente.

La dépression paternelle peut avoir un impact négatif chez l’enfant sur le développement du langage et sur les troubles émotionnels. « Face à cette réalité, pour la première fois, depuis fin 2020, nous avons des appels spontanés de mères pour leurs conjoints et, surtout, de pères eux-mêmes », souligne la Dr Ludivine Guérin.

« Il n’est pas évident pour les pères en détresse de s’inscrire dans un processus de soin alors que tout le système de santé est orienté vers les mères, ajoute la Dr Karine Ronen (centre hospitalier Saint-Anne, Paris). Les pères se sentent exclus ». Depuis 2022, de premières hospitalisations de pères ont pourtant lieu.

Il n’est pas évident pour les pères en détresse de s’inscrire dans un processus de soin alors que tout le système de santé est orienté vers les mères

Dr Karine Ronen

D’après la session « Père aidance : la place du père en périnatalité »


Source : Le Quotidien du Médecin