L’année 2023 a été riche pour la rythmologie. Une très vaste étude menée en population (près de 200 000 personnes), confirme le lien existant entre fibrillation atriale (FA) et démence. Si l’augmentation du risque de démence en cas de FA reste modérée (10 % environ), elle est plus marquée chez les sujets les plus jeunes (moins de 65 ans, OR = 1,65) et chez ceux indemnes d’insuffisance rénale chronique. Il est toutefois possible d’agir, notamment en proposant, lorsqu’elle est indiquée, une ablation. Deux études de grande ampleur (l’une ayant inclus 40 000 patients, l’autre plus de 135 000), publiées l’an dernier, ont montré que l’ablation permet de réduire le risque ultérieur de démence, lequel rejoint celui de la population indemne de FA.
Autre donnée importante : l’ablation précoce est associée à une réduction du risque de FA persistante après trois ans de recul.
Les indications de l’ablation pourraient ainsi être posées plus précocement, mais aussi, à l’autre extrémité du spectre des maladies cardiovasculaires, chez des patients ayant une insuffisance cardiaque chronique avancée, chez lesquels une assistance circulatoire ou une greffe est envisagée. Dans l’étude Castle-HTx, l’ablation par radiofréquence a en effet très nettement réduit le risque d’événement cardiovasculaire majeur.
Des évolutions techniques
À côté de ses résultats sur le plan clinique, l’ablation évolue aussi au niveau technique. Aux approches thermiques (radiofréquence et cryoablation), vient désormais s’ajouter une méthode par courant pulsé, l’électroporation. Plusieurs essais ont montré qu’elle n’est pas inférieure aux méthodes conventionnelles.
Son avantage théorique : une plus grande spécificité pour le tissu myocardique, et donc un moindre risque de complications, comme les atteintes du nerf phrénique et les fistules atrio-œsophagiennes, rares mais graves. La prudence reste toutefois de mise car une publication très récente, début 2024, rapporte la possible survenue d’une insuffisance rénale sévère liée à l’hémolyse après procédure d’électroporation. « Cet effet indésirable émergent rappelle qu’aucune technique n’est anodine », souligne le Pr Pascal Defaye (CHU de Grenoble).
Quand prescrire un anticoagulant ?
Autre grande question qui se pose régulièrement en pratique mais pour laquelle il n’y a pas encore de réponse tranchée : faut-il traiter par anticoagulant un patient porteur d’un dispositif implantable chez lequel les enregistrements mettent en évidence des épisodes d’arythmie atriale de courte durée, sans FA documentée par ailleurs ? Les résultats des études sont ambivalents. Ceux de Noah-Afnet 6 ont déçu la communauté cardiologique en démontrant l’absence de bénéfice du traitement anticoagulant (édoxaban), comparativement au placebo, sur le risque d’AVC, d’embolie systémique ou de décès cardiovasculaire, avec parallèlement une augmentation du risque hémorragique.
Tout récemment publiés, les résultats de l’étude Artesia, qui comparait l’apixaban à l’aspirine, mettent de leur côté en évidence une efficacité de l’anticoagulant sur le risque d’AVC ou d’embolie systémique mais au prix d’une augmentation des saignements, majoritairement gastro-intestinaux (et non des saignements fatals).
La stratégie à adopter face à une FA subclinique suscite encore des interrogations
La stratégie à adopter face à une FA subclinique suscite donc encore des interrogations, ce qui est d’ailleurs bien souligné dans les toutes récentes recommandations nord-américaines.
Antiagrégation du SCA
Les recommandations de la Société européenne de cardiologie (ESC) sur la prise en charge du syndrome coronaire aigu sont très régulièrement actualisées pour tenir compte des données des études cliniques les plus récentes. Cela a été le cas en 2023 avec, pour le Pr Étienne Puymirat (HEGP, AP-HP), trois grands messages à retenir : « La désescalade thérapeutique en matière d’antiagrégants plaquettaires (AAP) n’est pas recommandée dans les 30 jours suivant l’événement aigu. Après un mois de bithérapie chez les patients à haut risque hémorragique, la possibilité est ouverte de passer à une monothérapie AAP, par aspirine ou inhibiteur de P2Y12R. Enfin, une stratégie conservatrice est possible chez les patients ayant un cancer avec une espérance de vie réduite (moins de six mois) et/ou un risque hémorragique élevé. »
Trois autres messages issus de ces recommandations européennes concernent la prévention secondaire après un SCA. Les comorbidités (insuffisance cardiaque, insuffisance rénale, obésité) sont primordiales dans le choix du traitement d’un hypoglycémiant à long terme. Une bithérapie hypolipémiante par statine à haute dose et ézétimibe peut être indiquée dès l’hospitalisation index. Il faut envisager l’ajout de colchicine chez certains patients (maladie récurrente, facteurs de risque mal contrôlés).
Toujours dans le domaine des AAP, les résultats négatifs de l’étude Stop Dapt 3, publiés l’an dernier, indiquent clairement qu’une stratégie sans aspirine (prasugrel seul à faible dose) après une intervention percutanée (stent évérolimus) ne doit pas être envisagée chez des sujets à haut risque hémorragique. En effet, elle ne réduit pas le risque de saignement et pourrait être associée à un risque accru d’événement coronaire.
Enfin, face à un Stemi avec atteinte tritronculaire, une stratégie de revascularisation complète en un temps est envisageable. Dans l’étude Multistars AMI, cette approche ne s’est pas montrée inférieure à une revascularisation en deux temps sur les taux de décès de toutes causes, d’infarctus du myocarde, d’accident vasculaire cérébral, de revascularisation non programmée ou encore d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque à un an.
On peut revasculariser une atteinte tritronculaire en un seul temps
Insuffisance cardiaque, une titration rapide
L’édition 2023 des recommandations de l’ESC sur la prise en charge de l’insuffisance cardiaque (IC) est marquée par une volonté de simplification, et plaide pour une titration rapide du traitement, dans les six semaines, chez les patients hospitalisés pour une poussée. « Ce qui, bien sûr, sous-entend un suivi très étroit », prévient le Pr François Roubille (CHU Montpellier).
Une étude française souligne aussi l’évolution de l’épidémiologie. Si l’incidence de l’IC tend à baisser chez les plus âgés, elle connaît une augmentation régulière chez les plus jeunes, en particulier chez les hommes âgés de 36 à 50 ans. En cause principalement, la maladie ischémique, favorisée par les facteurs de risque classiques que sont le tabagisme, l’obésité, l’hypertension artérielle, les dyslipidémies et le diabète.
L’insuffisance cardiaque est en augmentation chez les hommes jeunes
La prise en charge de l’obésité est aujourd’hui un enjeu majeur. Parmi les stratégies évaluées : le recours au sémaglutide, analogue du GLP-1 qui a fait la preuve de son efficacité comparativement à un placebo sur la perte de poids et sur des critères de qualité de vie dans l’étude Step-HFpEF (patients obèses, non diabétiques avec une IC à FEVG préservée). Reste à évaluer à plus long terme son impact sur des critères durs.
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