Une réunion en visio, chaque semaine, pendant six mois. C’est l’astreinte à laquelle se sont tenus des médecins radiologues, biologistes ou encore généralistes, consultés par la délégation au numérique en santé, lors le développement de Mon espace santé.
Une « task force » dont se réjouit le Dr Jean-Michel Lemettre, généraliste à Amboise (Indre-et-Loire) et élu de la CSMF. « Enfin, nous avons parlé des usages sur le terrain pour les confrères, sans être trop dans la technique », raconte l’omnipraticien qui a participé « avec assiduité » à ces concertations. Un enthousiasme partagé par le Dr Jean-Philippe Masson, radiologue et président de la Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR), également consulté. « J’ai découvert une façon de travailler que je n’imaginais pas venant d’une instance gouvernementale », salue-t-il.
Pour porter la voix des radiologues dans le déploiement de la plateforme, le Dr Masson a posé ses exigences. « L’une des conditions sine qua non à l’alimentation du dossier médical était que ça ne coûte pas un euro au médecin », détaille-t-il. Requête acceptée : la mise à jour des logiciels pour les rendre compatibles avec Mon espace santé, la maintenance ou encore la formation du personnel du cabinet seront prises en charge. « Pour la mise à jour du logiciel, l’éditeur fera une facture qu’il enverra à l’État », précise le radiologue.
Éviter le nomadisme médical
Membre du premier pool de bêta-testeurs, le Dr Masson est convaincu de l'ergonomie de l'outil. « Lorsque je rédige un compte rendu de radiologie, je ne me rends même plus compte qu’il part automatiquement dans le DMP, c’est totalement transparent ». Autre avantage, « éviter le nomadisme médical et rapidement comparer l’examen avec ceux réalisés précédemment », confie le radiologue.
Fervent partisan du volet de synthèse médicale (VSM), le Dr Lemettre y voit surtout un atout pour le lien ville-hôpital. « C'est un outil de partage d’informations pour tous les intervenants autour d’un même patient, notamment lorsqu’il est hospitalisé de nuit, aux urgences ou en incapacité de s’exprimer », souligne le généraliste. Mais alors que chaque médecin traitant est désormais fortement incité à remplir ce VSM, « un travail parfois d’une trentaine de minutes », le Dr Lemettre regrette néanmoins que les hôpitaux ne le consultent que peu. En attendant la convergence avec le dossier patient informatisé (DPI) hospitalier, « j’ai défendu auprès de la task force le fait que Mon espace santé puisse être accessible sans forcément passer par un logiciel métier, pour en faciliter la lecture à l’hôpital », souligne le Dr Lemettre. Le message est passé.
Un classeur pour patient
Malgré l’engouement des participants du groupe de travail, le soufflé est parfois retombé dans les territoires pilotes.
En Haute-Garonne, l’un des départements choisis par la Cnam pour expérimenter Mon espace santé, « il y a eu une insuffisance de communication notable et notoire », témoigne le Dr Jean-Louis Bensoussan, généraliste près de Toulouse et secrétaire général de MG France. « Nous n’avons eu que très peu d’informations au niveau du cabinet », regrette-t-il. Et à ce stade, peu de patients ont évoqué cette nouvelle plateforme lors d'une consultation médicale, raconte le généraliste. De son point de vue, « c’est avant tout un outil intéressant pour le patient, qui remplacera bien le classeur pour ranger ses documents ». Pour le reste... « Moi, je n’ai pas besoin d’un outil supplémentaire, j’ai déjà mes dossiers patients triés et remplis », recadre le Dr Bensoussan, qui utilise également une messagerie sécurisée pour échanger avec l’hôpital par exemple. « Si mon patient veut son dossier, je lui donne sur une clé USB tout simplement », poursuit-il.
Chat échaudé craint l'eau froide
Sécurité des données de santé échangées, ergonomie, simplicité d'utilisation : les confrères bêta-testeurs ont en tout cas fixé plusieurs lignes jaunes. « Par exemple, il ne fallait pas que la messagerie sécurisée avec le patient devienne ingérable », signale le Dr Lemettre, qui précise que la DNS a ajouté une fonctionnalité pour clore la conversation avec le patient. En outre, la discussion ne pourra être enclenchée que par le professionnel afin d'éviter les demandes intempestives dominicales et nocturnes. « Le canal de discussion reste intéressant pour envoyer une ordonnance par exemple, ou organiser une sortie d’hôpital », observe le généraliste.
Face au lancement ambitieux par le ministère de ce service public numérique en janvier, le Dr Lemettre garde la tête froide : « Il ne faudrait pas que Mon espace santé ne soit que de l’affichage, alerte le généraliste. Les confrères sont tellement échaudés qu’il faut que le dispositif soit abouti et que les hôpitaux s’en emparent. Je n’alimenterai pas le dossier si ça ne sert à rien dans la prise en charge du patient ». « Je crois à la réussite de Mon espace santé », positive de son côté le Dr Masson. En radiologie, il sera possible dès 2023 d’accéder directement aux images, en passant par un portail sécurisé.
Article précédent
« 300 millions d’euros pour inciter les médecins »
Article suivant
« Nous n’avons pas laissé les médecins seuls face à leurs éditeurs »
« 300 millions d’euros pour inciter les médecins »
Chez les médecins libéraux testeurs, un accueil favorable et des réserves
« Nous n’avons pas laissé les médecins seuls face à leurs éditeurs »
Un test grandeur nature prometteur
À l’AP-HM, dans l’attente du procès d’un psychiatre accusé de viols
Le texte sur la fin de vie examiné à l'Assemblée à partir de fin janvier
Soumission chimique : l’Ordre des médecins réclame un meilleur remboursement des tests et des analyses de dépistage
Dans les coulisses d'un navire de l'ONG Mercy Ships