Du simple téléconseil à la téléconsultation, il n'y avait qu'un pas, que les complémentaires santé font désormais allègrement. Mutuelles, assurances et institutions de prévoyance multiplient les offres pour accéder à distance à un médecin (par téléphone, par écrit ou écran interposé).
En 2015, le géant Axa a ouvert le bal en proposant l'accès à un médecin 24 heures sur 24, sept jours sur sept, par téléconsultation, s'attirant les foudres des syndicats de médecins libéraux. L'assureur revendique plus de 1 000 téléconsultations par mois... Trois ans plus tard, plusieurs dizaines de complémentaires santé se sont positionnées sur ce créneau, en proposant des services du même type – gratuit ou non – à leurs adhérents ou entreprises partenaires.
La démographie médicale en berne et les inégalités d'accès aux soins facilitent l'émergence de ce marché. Près de quatre millions de Français vivent dans une zone médicalement sous-dotée ou à plus de 30 minutes d'un service d'urgence. Du pain bénit pour les complémentaires en recherche de diversification et de différenciation.
Dans leur communication, nombre d'opérateurs surfent également sur la confusion des genres entre la téléconsultation proprement dite, réglementée par le décret télémédecine de 2010, et les services de téléconseil personnalisés, moins contraints.
Téléconsultation de six minutes
Dans ce contexte, l'ouverture de négociations, le 18 janvier, entre les syndicats de praticiens libéraux et l'assurance-maladie sur la tarification de droit commun de la téléconsultation aiguisent aussi l'intérêt des complémentaires santé.
Si la CNAM entend cadrer le champ de la téléconsultation tarifée et remboursée (porte d'entrée par le médecin traitant, vidéotransmission, sécurisation des données, dérogations limitées), les plateformes médicales appellent à l'inverse à ouvrir les vannes. « Il est dommage de poser d'emblée des limites à la pratique balbutiante de la téléconsultation », prévient Guillaume Lesdos, cofondateur de la start-up Medaviz dans une lettre à Agnès Buzyn.
Les médecins sont sur le qui-vive. Fin janvier, plus de 1 100 professionnels et patients ont signé une pétition pour alerter le gouvernement et l'Ordre sur l'essor d'une médecine « low cost », « sans examen clinique systématique, avec une téléconsultation de six minutes en moyenne ». L'éventuel mélange des genres entre soins et business est épinglé. « Nous dénonçons les conflits d’intérêts entre ces sociétés et les compagnies d’assurances », écrivent-ils. Certains leaders syndicaux prophétisent le développement de réseaux fermés avec des praticiens affiliés et d'une médecine à deux vitesses.
Courant décembre, l'Ordre lui-même a assigné la mutuelle Eovi Mcd devant le TGI de Paris pour publicité déloyale dans le cadre de son service de téléconsultations. Un autre signe de la crispation des professionnels sur un sujet sensible.