La loi de bioéthique (enfin) sous le microscope du Parlement

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Publié le 02/09/2019
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2000 femmes sont concernées par l'extension de l'AMP

2000 femmes sont concernées par l'extension de l'AMP
Crédit photo : Phanie

Le cadre législatif qui dira ces sept prochaines années, ce que peuvent faire la médecine et la science en matière de procréation, de génétique et génomique, ou encore de don, s'écrit cet automne. 

Le projet de loi relatif à la bioéthique, présenté en conseil des ministres le 24 juillet dernier, sera examiné par la commission spéciale de l'Assemblée nationale (présidée par la pharmacienne Agnès Firmin Le Bodo) à partir du 9 septembre. Une commission particulièrement imprégnée par ces problématiques, puisque ses 72 membres - dont les médecins LREM Jean-Louis Touraine et Jean-François Eliaou, ainsi que le généticien MoDem Philippe Berta - auditionnent depuis fin août des dizaines de personnalités qualifiées. 

Les débats en séance publique débuteront le 24 septembre. La loi sera ensuite examinée par le Sénat début 2020, avant sa promulgation escomptée à la fin du premier trimestre. 

Appel à des débats sereins 

Ce sera « une loi d'apaisement » veut croire le gouvernement, qui fait de la sérénité des débats un maître mot. Emmanuel Macron entend éviter une bataille idéologique qui rappellerait celle du mariage pour tous. Et de multiplier des gages propres à créer un consensus : organisation d'États généraux, publication de plusieurs rapports (du Comité consultatif national d'Éthique au Conseil d'État), et nomination, pour porter le texte, de trois ministres plus consensuelles que Christiane Taubira : Agnès Buzyn, à la Santé, Frédérique Vidal, à la Recherche, et Nicole Belloubet, à la Justice. 

S'il faut attendre le 6 octobre, première journée de manifestation des anti-PMA, pour prendre le pouls de l'opposition au projet de loi, on peut d’ores et déjà s'attendre à des discussions sur chacun de ses 32 articles. 

AMP, génétique, et recherche sur l'embryon 

Au-delà de la légitimité de l'extension de l'assistance médicale à la procréation (AMP) à toutes les femmes (2 000 seraient concernées), les députés devraient débattre du mode de filiation. Le texte actuel propose que les couples de femmes fassent une déclaration anticipée de volonté devant notaire, inscrite sur l'état civil des enfants ; une disposition discriminatoire, jugent d'aucuns. Plusieurs voix ont par ailleurs pointé l'incohérence d'un maintien de l'interdiction de l'AMP post-mortem, en cas d'ouverture de cette technique aux femmes seules. 

Les modalités d'accès des enfants issus d'un don à l'identité et aux données non identifiantes des donneurs devraient aussi être longuement débattues. 

Sur le volet génétique, le président du CCNE le Pr Jean-Delfraissy a regretté le silence de la loi sur la question des tests en population générale, tandis que des généticiens souhaiteraient plus d'ouverture sur le dépistage préconceptionnel.  

Ne manqueront pas de faire polémique les articles portant sur les recherches sur l'embryon, les cellules-souches embryonnaires, et les cellules souches pluripotentes induites. Enfin, le législateur devrait apporter des précisions sur les articles les plus techniques, par exemple, les embryons chimériques, les algorithmes de l'intelligence artificielle, ou l'encadrement de médicaments de thérapie innovante ou et de la transplantation de microbiote fécal. 

Coline Garré

Source : Le Quotidien du médecin