LE QUOTIDIEN : Le palmarès annuel du « Point » a-t-il une influence sur le choix des patients ?
ALAIN-MICHEL CERETTI : Une chose est sûre, il est très attendu. Mais lorsque le palmarès sort, il est évident que ceux qui se jettent dessus sont d’abord les professionnels de santé. Du côté des usagers, on ne va pas aller le regarder si on n’est pas concerné à ce moment-là. La réalité, c’est que le médecin traitant est encore souvent celui qui oriente le patient. Qui plus est, dans certaines régions, il n’y a de toute façon pas beaucoup d'alternatives. Cependant, il y a toujours des gens très mobiles qui, pour une prise en charge lourde, vont souhaiter faire leur propre choix. À ce moment-là, ils vont regarder le palmarès.
Quel crédit accordez-vous à la méthodologie ?
Les journalistes qui réalisent ce travail font au mieux avec les outils qu’ils ont. Et ils essayent, au-delà des données brutes, d’appréhender autre chose que le volume d’activité. C’est un point positif. Mais tout cela est pour le moins subjectif car nous n’avons pas d’éléments qui permettent de façon objective d’évaluer le service médical rendu. On postule que plus l’activité est importante, plus la prise en charge est bonne. Or, dès la première sortie de ce palmarès en 1997, j'avais signalé que la Clinique du sport [au volume d'actes important, connue pour un scandale lié à des infections nosocomiales au début des années 1990, NDLR] aurait pu être bien classée. C'était une usine à chirurgie ostéoarticulaire !
Quels autres indicateurs pourrait-on utiliser ?
C’est tout l’objet du rapport que j’ai rendu à Agnès Buzyn dans le cadre de la stratégie de transformation du système de santé [dont il pilote le chantier relatif à la qualité et la pertinence, NDLR]. Le consortium international pour l'évaluation des résultats en santé (ICHOM) met en place un programme qui consiste à évaluer la qualité en utilisant un indicateur relatif au parcours de soins du patient. Pour la cataracte par exemple, un questionnaire lui est adressé dix jours après son hospitalisation. Les questions sont aussi basiques que : est-ce que vous pouvez lire le journal ? Est-ce que vous reconnaissez une personne dans la rue ? Cela permet de savoir concrètement si le service médical rendu est à la hauteur des attentes.
On n’aurait donc plus besoin des bases médico-administratives ?
Effectivement. Je ne dis pas que le volume n’est pas un sujet. Mais l’affaire de la Clinique du sport est bien l’exemple que ce n’est pas toujours le cas. J’approuve l’idée qu’en dessous d’un certain nombre d’actes, il y a forcément un problème de qualité et de sécurité qui peut se poser. Et de ce point de vue là, le PMSI [programme de médicalisation des systèmes d'information qui mesure l'activité des établissements NDLR] apporte des éléments très objectifs. Mais pour autant, il ne dit rien sur le service médical rendu. Ne pas poser de questions au malade revient à passer à côté de la vraie valeur du soin. C’est la deuxième variable à prendre en compte après la prise en charge clinique. La troisième serait celle du coût.
Comment analyser le coût des soins ?
On peut regarder ce qui se passe en Hollande. Depuis 2013, l’ensemble des établissements sont soumis au programme ICHOM. À partir de là, on peut obtenir le coût moyen de prise en charge et déterminer si une équipe est réellement performante ou non. C’est là qu’on aborde la question de la pertinence au regard du coût. Certains établissements font moins bien mais moins cher, d’autres moins bien mais plus cher mais les meilleurs font mieux et moins cher. Tout cela est rendu public. L’intérêt pour tous les établissements est donc de figurer parmi les meilleurs et de pouvoir se comparer.
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