LE QUOTIDIEN : Comment qualifieriez-vous cette crise ?
CLAUDE EVIN : Elle est extraordinaire. On n’a jamais connu ce type de situation aussi bien à l’échelle mondiale que dans notre pays. Les crises sanitaires que nous avons connues étaient de moindre ampleur et nécessitaient des mesures moins complexes et moins fortes que celles que prennent les pouvoirs publics aujourd’hui.
La doctrine du gouvernement est-elle la bonne selon vous ?
Je ne parlerais pas de doctrine car c’est une crise totalement inédite qui nécessite une adaptation permanente. On découvre au fur et à mesure de l’épidémie des situations qu’il était impossible d’anticiper. Je pense que le gouvernement apporte une réponse adaptée et proportionnée. Il adapte sa stratégie en tenant compte des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé et en se concertant avec d’autres pays.
On pourra s’interroger après coup pour savoir si telle ou telle décision aurait dû être prise plus tôt ou autrement. Mais avant de porter des critiques, il faut plutôt soutenir les décisions.
Quelles leçons faudra-t-il tirer de cette crise ?
Il faudra se réinterroger sur les choix qui ont été faits depuis l’apparition du virus dans notre pays, voire bien avant ! C’est évident que la question du stockage des produits de santé ou des masques devra être analysée. C’est ce qu’on appelle faire des retours d’expérience. C’est une démarche saine, régulière et toujours préconisée, particulièrement dans le domaine de la santé.
Mais aujourd’hui, il est prioritaire de suivre les consignes du gouvernement. Ceux qui prétendent qu’il y a une autre stratégie sont des gens qui n’assurent pas de responsabilités dignes de ce nom. Parmi les responsables politiques, les donneurs de leçons ne sont pas les bienvenus aujourd’hui.
La capacité d’intervention du ministère a-t-elle évolué depuis votre passage à Ségur ?
Le ministère de la Santé est en première ligne dans cette crise. Mais les agents, les services et les collaborateurs qui le composent, bien que totalement dévoués à la santé publique, ont aussi leurs limites. C’est pourquoi il est primordial de s’entourer de gens extérieurs. C’est ce qui est fait avec le conseil scientifique. C’est aussi inscrit dans la loi sur l’état d’urgence sanitaire.
Lorsque j’étais moi-même ministre, j’ai été confronté à l’explosion du virus du Sida. J’avais alors créé le conseil national du Sida pour avoir un avis permanent sur les décisions à prendre. C’est absolument nécessaire dans le domaine de la santé et cela n’enlève rien aux compétences internes du ministère. Face à ce genre de situation, le ministère et ses agences ne peuvent agir de manière isolée.
Avez-vous des satisfactions ou regrets dans votre gestion de la crise du SIDA ?
La situation était très différente. On ne peut pas vraiment parler de crise sanitaire car le Sida était une pathologie montante sur laquelle il fallait communiquer mais qui n’impliquait pas de mesures à prendre sur l’ensemble de la population. J’ai demandé un rapport pour évaluer les décisions, puis j’ai pu organiser les instances consultatives et appliquer une politique. J’ai le sentiment d’avoir agi en toute transparence.
Vous avez dirigé l’ARS Île-de-France. La région est-elle prête ?
On ne peut jamais se préparer réellement à une situation de ce type. On peut toujours faire des exercices à blanc mais il est impossible d’anticiper l’ensemble des hypothèses auxquelles la région francilienne peut être confrontée. Je crois que notre organisation sanitaire a les moyens de s’adapter pour faire face et répondre aux besoins de la population.
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