Trois ans après son intervention sur Johnny Halliday

Le Dr Delajoux sort du silence et contre-attaque

Publié le 17/10/2012
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Crédit photo : S TOUBON

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Crédit photo : S. TOUBON

LE QUOTIDIEN - Trois ans après, estimez-vous avoir commis des erreurs ou des négligences lors de votre intervention sur la hernie discale de Johnny Hallyday ?

Dr STÉPHANE DELAJOUX - Je n’ai pas commis de faute. Comme le note le rapport d’expertise, l’indication opératoire était justifiée et la technique opératoire appropriée, avec un recalibrage canalaire conforme aux règles de l’art. La brèche durale qui s’est produite est un événement fréquent en pareil cas, je l’ai suturée et le lendemain, aucun signe d’une fuite du liquide céphalo-rachidien n’était décelable. Pour ce qui est des suites opératoires, la sortie de Johnny est intervenue à mon insu, avant la date programmée. Trois jours après, quand Johnny est revenu me voir pour un problème de cicatrisation dû à une lésion traumatique, j’ai posé sous anesthésie locale deux points de suture et lui ai annoncé que je le gardais à la clinique. Mais il a décidé de repartir aussitôt. C’est là qu’aura été mon unique erreur : ne pas lui avoir fait signer, à ce moment-là, une décharge. En fait, les circonstances étaient ingérables.

Une infection s’est cependant déclarée et le chanteur, admis en urgence à l’hôpital Cedars Sinaï de Los Angeles a été entre la vie et la mort, selon les médias.

L’infection, locale et superficielle, a été contractée aux États-Unis et non en France. C’est moi, alerté par sa femme, qui ai conseillé l’hospitalisation aux États-Unis. La sédation à laquelle il a été soumis est liée à des facteurs que le secret médical m’interdit de vous préciser. En tout état de cause, je puis affirmer que, contrairement à ce qui s’est dit et écrit, le pronostic vital n’a jamais été engagé.

Des proches du chanteur ont affirmé que vous l’aviez massacré.

Les enjeux financiers de sa tournée étaient considérables. Pour les assureurs, il fallait trouver un coupable. J’ai été victime d’un énorme mensonge d’argent et d’une grosse arnaque. Un déferlement médiatique s’est abattu sur moi, on m’a présenté comme un boucher. Si bien que j’ai été victime d’une agression violente dans la rue, qui a entraîné 15 jours d’ITT, me contraignant à faire appel ensuite à un garde du corps. Mon activité a connu une baisse immédiate de 75 %. J’étais dans l’impossibilité de me défendre, condamné au silence par respect du secret médical, alors que tous les 20 heures télé me sollicitaient. Aujourd’hui encore, je ne puis évoquer certains éléments clé du dossier médical sur ce patient atypique. Au total, j’ai vécu une situation de cauchemar qui a duré un an et demi.

On a alors fait état de votre passé, vous aviez été compromis dans une escroquerie à l’assurance et une polémique sur une usurpation de titres hospitalo-universitaires ...

J’assume la première. Jeune interne, j’avais été victime d’un accident de ski gravissime dont je garde d’importantes séquelles ; rien que les frais de rapatriement en hélicoptère atteignaient 150 000 francs, quand je ne gagnais que 6 000 francs par mois. À l’époque, c’est vrai, j’ai pété un plomb.

En revanche, j’ai bien été nommé chef de clinique en neurochirurgie à la Salpêtrière, et la justice m’a donné gain de cause après une polémique entre deux PU-PH, l’un de la Pitié, l’autre de la Salpêtrière.

Vous avez aussi été étiqueté comme « chirurgien des stars », plus intéressé par le show bizz, les paillettes et l’argent que par la médecine.

C’est totalement injuste. En 15 ans, pour des centaines d’anonymes que j’ai opérés au tarif de la Sécurité Sociale, dont une part de patients CMU, je n’ai fait d’intervention que sur trois vedettes, Johnny, Gainsbourg et Trintignant.

On a aussi exposé ma vie privée. À l’époque, je venais de me séparer d’Isabelle Adjani après cinq années de vie commune. On m’a accusé d’escroquerie à son encontre, ce qui est contraire à la réalité.

Comment ont réagi les confrères ?

Aucun de ceux qui me connaissaient directement, à la clinique et dans mon réseau professionnel, ne m’a lâché. J’ai d’autre part reçu de nombreux courriers de chirurgiens et de médecins de la France entière, indignés par le sort qui m’était fait et qui se reconnaissaient dans mon histoire. Je me souviens, en particulier d’une tribune qui avait été publiée sous le titre « Ne tirez pas sur le chirurgien ! ».

En revanche, l’Ordre ne m’a pas soutenu. Je le déplore. Je croyais pourtant qu’il était là pour défendre les praticiens injustement mis en cause. Le Dr Michel Legmann m’a par la suite adressé un courrier par lequel il se désolidarisait des propos injurieux tenus à mon encontre par Olivier Metzner, propos pour lesquels cet avocat a été pénalement condamné.

Aujourd’hui l’affaire Johnny- Delajoux est-elle classée ?

Une transaction indemnitaire a été conclue, sous la pression de l’assureur, qui se trouvait être le même pour les trois parties. Je l’ai signée avec regret. Au total, j’ai engagé une quarantaine de procédures en diffamation que j’ai toutes gagnées. Il reste une dizaine de procès en cours, dont l’un, contre Jean-Claude Camus, l’ex impresario de Johnny, dont le jugement sera connu le 2 novembre. Sur le fond, je peux considérer que mon honneur a été lavé.

Professionnellement, j’ai retrouvé un niveau d’activité supérieur à celui d’il y a trois ans.

Personnellement, je n’ai pas craqué, car je n’ai jamais douté que la vérité finirait par être connue et que justice me serait rendue. Mais je me considère comme un miraculé.

Estimez-vous qu’il y a des enseignements à tirer de cette expérience ?

Ce qui m’est arrivé pose la question de la responsabilité et de la défense d’un praticien affronté à des intérêts et à des enjeux qui le dépassent. J’y ai beaucoup réfléchi et je vais demander à la SOFCOT de programmer au prochain congrès, en novembre, un débat sur la gestion de crise après une opération sur une personnalité.

Et si Johnny vous rappelle ?

« J’aime bien ses chansons et je l’aime bien lui-même. Il ne m’a pas contacté après les événements. Mais s’il venait à le faire, je serais heureux de lui parler », confie le Dr Delajoux. Quant à savoir s’il serait disposé à pratiquer une nouvelle intervention sur le chanteur, il répond sans hésiter : « Je n’y serai pas oppposé. »
PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTIAN DELAHAYE

Source : Le Quotidien du Médecin: 9176