DE NOTRE ENVOYÉE SPÉCIALE
LE QUOTIDIEN – Qu’est ce qu’un centre de santé communautaire ?
BARBRA E. MINCH – Ces structures sont apparues dans les années 1960. Aujourd’hui, il y en a 2 000 dans tout le pays. Il s’agit d’une institution fédérale cofinancée par le gouvernement, des dons, et des subventions d’entreprises. Nous offrons des services de santé et d’insertion professionnelle, et faisons figure de modèle économique : nos centres sont très fréquentés, ce qui nous donne le pouvoir de négocier les prix. Nos employés parlent presque tous espagnol car nous traitons beaucoup d’Hispaniques. Nos médecins sont salariés. Nos règles de fonctionnement sont très strictes et tout le personnel doit être hautement qualifié. Pas question de faire de l’à peu près sous prétexte que nos clients sont pauvres. Ce type d’établissement ne peut pas être ouvert par n’importe qui, une commission supervise son fonctionnement en organisant des visites impromptues pour contrôler le sérieux du travail. Ce n’est pas une médecine au rabais. Le centre Ryan a des antennes dans différents quartiers. Nos seize sites new yorkais reçoivent 250 000 visites par an.
Les soins sont-ils gratuits ou payants ?
Cela dépend de vos revenus. Le centre Ryan a établi sa propre grille qui détermine qui paie quoi. Nous avons réussi à négocier des tarifs préférentiels pour les examens lourds, appliqués dans nos seize sites. Par exemple, nous facturons une IRM 700 dollars [504 euros], contre 1 200 dollars [854 euros] ailleurs. Les patients qui gagnent moins de 7 000 dollars par an sont couverts par Medicaid et ne payent rien. Ceux qui ont une assurance bénéficient d’un remboursement partiel. Ceux qui n’ont pas d’assurance payent le tout. 700 dollars [504 euros] l’IRM, cela reste trop cher. Je suis contente que notre centre existe, mais malheureusement on ne peut pas toujours donner les soins nécessaires, car se pose le problème de l’argent. Les républicains disent qu’il n’y a pas besoin d’assurance publique car nos centres existent. Ils ont tort. Beaucoup de nos patients gagnent plus de 7 000 dollars [5040 euros] par an, trop pour bénéficier de Medicaid, mais pas assez pour s’offrir une assurance. C’est pourquoi si souvent je vois des gens reporter des soins faute de moyens. Récemment, c’est une femme atteinte d’un cancer des ovaires qui a reporté son intervention.
On peut donc mourir faute de soins y compris à New York ?
Oui, y compris à New York. Pourtant, l’État de New York est loin d’être défavorisé. Le système hospitalier est meilleur qu’ailleurs car il y a beaucoup d’hôpitaux publics. L’État est pionnier en matière de partage des données informatiques, ce qui améliore la qualité des soins. Les refus de soins sont interdits, comme partout aux États-Unis. Mais la facture à payer vous suivra jusqu’à la fin de vos jours. Les factures médicales, c’est la raison numéro un de faillite aux États-Unis. Des gens font faillite même en étant assurés, car les franchises sont élevées. Pour un malade très grave, la facture peut monter jusqu’à 300 000 dollars [216 000 uros]. Une pénalité s’ajoute chaque semaine si vous ne payez pas immédiatement.
Si vous pouviez amender le projet de loi, que changeriez-vous ?
Il faudrait un contrôle plus strict du prix des médicaments. Il faudrait aussi pouvoir négocier les contrats d’assurance santé, qui ont augmenté de 26 % en un an. La réforme telle que le Sénat l’a votée va pénaliser fortement l’État de New York, et lui coûter un milliard de dollars supplémentaires par an. Le déficit va se creuser. Michael Bloomberg [le maire de NYC, NDLR] est en train de se faire botter les fesses. Beaucoup, beaucoup d’hôpitaux ont déjà fermé à New York – ils étaient trop nombreux. Il faut s’attendre à de nouvelles fermetures. Les syndicats vont s’y opposer mais cela ne changera rien.
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