OGM : comment Monsanto a échappé à l’audition de l’ANSES

Publié le 08/11/2012
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Crédit photo : AFP

Après les sénateurs, les députés ont poursuivi mercredi 7 novembre leurs auditions dans le cadre de l’étude du Pr Séralini relative au maïs OGM NK603.

Les commissions des Affaires sociales et du développement durable ont ainsi convié plusieurs responsables de l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) et du Haut conseil des biotechnologies (HCB) qui ont rendu leur avis fin octobre sur cette étude décriée. Lors de cette séance, la députée PS Catherine Lemorton, présidente de la commission des Affaires sociales s’est « étonnée » que Monsanto ait refusé d’être auditionné par l’ANSES. « En tant que consommatrice et législatrice, ça m’interpelle », déclare-t-elle.

Un document de 5 pages

Dominique Gombert, directeur de l’évaluation des risques à l’ANSES raconte comment la société Monsanto a profité du « calendrier tendu » - quelques semaines octroyées par le gouvernement pour rendre les avis - afin d’esquiver le débat. « Ils ont souhaité avant que l’audition soit organisée, obtenir un certain nombre d’informations. Nous leur avions adressé un courrier extrêmement précis sur les questions que l’on souhaitait leur poser, notamment sur les effets dans les études à long terme. Suite à ce courrier, nous avons eu une conférence téléphonique avec Monsanto et des juristes de la société visant à nous faire préciser les conditions de réalisation de cette audition, notamment au niveau de la transparence des propos qui seraient tenus. Suite à cette pré-audition, la société a fait savoir que dans le délai imparti, il n’était pas possible de mobiliser ses experts, sachant que cette audition donnait lieu à la publication des verbatim des échanges organisés », résume Dominique Gombert.

« Monsanto nous a fait parvenir un document d’à peu près cinq pages qui décrit essentiellement les conditions actuelles d’autorisation des plantes OGM et du NK603. Je n’ai pas trouvé d’éléments particuliers quant aux études sur le long terme que la firme aurait pu conduire », ajoute-t-il.

Accès difficiles aux données

« Non seulement Monsanto a refusé les auditions auprès des agences, mais elle a également refusé l’accès à ses données d’étude. Ce qui est étonnant lorsqu’on exige du Pr Séralini qu’il mette de son côté tout à jour », commente le député PS Gérard Bapt. Si les experts des agences peuvent avoir accès à certaines données confidentielles, difficile le plus souvent de les exploiter convenablement.

« Nous ne pouvons les consulter que sur papier », témoigne Jean-Jacques Leguay, vice-président du comité scientifique du HCB qui « demande constamment que ces données soient accessibles à un format électronique pour mieux les analyser ». Selon Jean-Jacques Leguay « cette évolution passe par l’État français et l’Europe ». Invité à dresser un parallèle entre les études de Monsanto et du Pr Séralini sur le maïs OGM NK 603, le vice-président du comité scientifique du HCB les a renvoyés dos-à-dos.

Tout est à refaire

Au-delà des méthodologies très différentes retenues par les deux parties (20 rats sur 3 mois dans l’étude de Monsanto contre 10 animaux par groupe sur 24 mois dans celle du Pr Séralini) « on ne peut pas comparer ces deux expériences car les objectifs ne sont pas les mêmes », indique-t-il. « Une société comme Monsanto, quand elle fait ses statistiques, au lieu de dire qu’elle ne voit pas de différence, elle en déduit que son maïs est sain. Dans le cas de l’étude de Séralini, sans faire de statistique sur la mortalité ou la présence de tumeur, on conclut à une toxicité. Dans les deux cas, les raisonnements ne tiennent pas la route », considère Jean-Jacques Leguay.

« L’étude du Pr Séralini est bien sûr à refaire en se posant les bonnes questions avec un protocole plus rigoureux et robuste statistiquement », poursuit-il. Pour que les études sur les effets à long terme des OGM réclamées par l’ANSES et le HCB deviennent à terme une réalité, Marc Mortureux, directeur général de l’ANSES, a appelé à revoir les mécanismes de financement existants, notamment les financements européens, à ce jour inadaptés pour mobiliser les moyens nécessaires au sein des agences « dans une échelle de temps compatible avec nos enjeux ».

 DAVID BILHAUT

Source : lequotidiendumedecin.fr