Violences gynécologiques : le CNGOF veut revenir sur la définition de « viol » dans le sillage de l'affaire Zacharopoulou

Par
Publié le 24/06/2022

Crédit photo : S.Toubon

Alors que le parquet de Paris a ouvert une enquête, le 27 mai, après le dépôt de deux plaintes pour viol contre la Dr Chrysoula Zacharopoulou, gynécologue et secrétaire d'État chargée du Développement, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) exprime son inquiétude sur « l'usage du mot viol pour qualifier des examens médicaux, notamment gynécologiques, réalisés sans la moindre intention sexuelle ».

Selon l'hebdomadaire « Marianne », les faits reprochés à la Dr Zacharopoulou, et qu'elle conteste, auraient été commis dans le cadre de sa profession de gynécologue. L'enquête a été confiée à la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP). Une troisième plainte pour violences sans incapacité de travail par personne chargée d'une mission de service public, a été déposée ce 23 juin. La patiente, qui a témoigné sur la chaîne TMC, dit avoir subi des « violences gynécologiques » lors d'un rendez-vous en 2018 avec la Dr Zacharopoulou pour soigner son endométriose, pathologie dont elle est spécialiste, et sur laquelle elle a rendu un rapport au gouvernement en janvier.

Distinguer les actes à caractère sexuel et les examens médicaux

Dans un communiqué, le CNGOF demande que soient bien distingués les actes à caractère sexuel et les examens médicaux vaginaux ou rectaux pratiqués dans le cadre d’une prise en charge médicale.

« Nous appelons les pouvoirs publics à ouvrir une réelle discussion à ce sujet entre magistrats, avocats, représentants des patientes, philosophes et médecins de notre spécialité, médecins généralistes mais aussi urologues, gastroentérologues, radiologues, chirurgiens, sages-femmes, toutes celles et ceux qui, dans l’intérêt des patientes, pratiquent des examens vaginaux ou rectaux », écrit le CNGOF dans un communiqué.

La définition actuelle du viol dans la loi, comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise », « aboutit de plus en plus souvent à ce que les examens médicaux puissent être ainsi qualifiés », poursuit le CNGOF. Or « ne plus pratiquer d'examen clinique par crainte de poursuites pourrait nuire à la santé des femmes », insiste le Collège, en rappelant l'existence de la charte de l'examen gynécologique. Celle-ci insiste notamment sur l'importance de la bienveillance, de l'information et du recueil oral du consentement de la patiente.

Le CNGOF a publié cette charte signée par cinq autres sociétés savantes, à la suite de l'ouverture, à l'automne 2021, d'une enquête pour viol, requalifiée en information judiciaire pour violences, à l'encontre du Pr Émile Daraï, membre du CNGOF. La Dr Zacharopoulou, née à Sparte, avait d'ailleurs exercé notamment à l'hôpital Tenon (AP-HP) dans le service du Pr Émile Daraï.

Des accusations « inacceptables et révoltantes », selon la Dr Zacharopoulou

La Dr Chrysoula Zacharopoulou a rejeté d'un bloc ce 24 juin ces accusations. « Les accusations graves à mon encontre, portant sur des examens cliniques médicaux réalisés afin de diagnostiquer et de soigner la maladie de mes patientes, sont inacceptables et révoltantes », a-t-elle déclaré dans un communiqué transmis par son avocat.

Disant avoir appris l'existence de ces plaintes par la presse, la Dr Zacharopoulou se dit encore « choquée et profondément blessée » et assure n'avoir « jamais imposé le moindre examen à aucune de mes patientes sans leur consentement ». « Je n'ai pas connaissance du contenu de ces plaintes, dont je souligne qu'elles ont été déposées dans les jours qui ont suivi ma nomination au gouvernement et qui concernent des consultations qui seraient intervenues il y a plusieurs années », souligne-t-elle encore selon le communiqué. Sollicité par l'AFP, l'AP-HP a répondu n'avoir « jamais eu connaissance de plainte ou de signalement concernant le Dr Chrysoula Zacharopoulou ».

Ces questions ne sont pas nouvelles. Déjà en 2014, un buzz sur Twitter, sous le hashtag « payetonutérus » dénonçait des dérives vécues par les femmes en consultation. Des gynécologues, notamment les jeunes, tentent de faire changer les pratiques. Mais trop lentement sur le terrain, selon Sonia Bisch, fondatrice du collectif Stop aux violences obstétricales et gynécologiques (StopVOG), qui « voudrait que le gouvernement agisse contre ces violences. Car sans modification de la formation des médecins, sans prise en compte de la parole des patientes, les pratiques médicales ne changent pas ». StopVog recevrait 200 témoignages par mois, selon sa porte-parole.

Du côté du gouvernement, la Première ministre Élisabeth Borne s'en est remise à la justice. « Elle va faire son travail ; Chrysoula Zacharopoulou aura l'occasion de s'expliquer », a-t-elle déclaré. La locataire de Matignon a aussi qualifié « de débat important, celui du consentement quand on fait des examens ».


Source : lequotidiendumedecin.fr