Même si elle avait été largement anticipée par les tenants de l’oligopole hexagonal aux tarifs les plus élevés d’Europe, l’entrée en fanfare du quatrième opérateur mobile a eu des effets dévastateurs (voir encadré). Oubliées les propositions soit disant alléchantes et sans engagement des Sosh, Red et autre B&You, marques à « bas coûts » lancées ces derniers mois par Orange, SFR et Bouygues. Condamnés les maquis tarifaires inextricables et incompréhensibles, les offres proliférantes et foisonnantes des trois majors. Avec deux seuls abonnements, aux prix minorés pour les abonnés ADSL de la marque, Free a dynamité la concurrence et entraîné un afflux de nouveaux clients et de migrations difficiles à absorber. Immédiatement, la riposte s’est organisée avec des baisses de tarifs mais surtout une campagne sidérante d’allégations, de rumeurs et de calomnies qui ont provoqué deux audits du réseau du nouvel entrant. Finalement, la desserte de 27 % de la population française n’est pas mise en doute même s’il apparaît qu’une grosse partie du trafic de Free transite pour l’instant par le réseau d’Orange avec qui un contrat d’itinérance en bonne et due forme a été signé pour parer aux trous de couverture qui affectent encore l’infrastructure naissante du nouvel entrant.
Une baisse des prix généralisée
Si elle provoque une baisse générale des prix sur les forfaits d’entrée de gamme (une heure) et les offres dites illimitées, l’entrée en piste de Free Mobile consacre aussi la séparation du prix de l’abonnement de celui du terminal. Le modèle du smartphone subventionné contre un engagement de 24 mois, très prisé par le marché français, ne devrait bientôt plus être la règle ce qui rétablira une certaine vérité des prix. Free n’en propose pas moins quelques téléphones, avec du crédit à la consommation, issus des catalogues de ZTE, Huard, Samsung, BlackBerry et bientôt Apple. Pour autant la conquête d’une part significative du gâteau ne sera pas une chose facile. Free peut compter sur la conversion d’une part importante de ses abonnés ADSL (4,8 millions) qui sont essentiellement des particuliers mais qui comptent aussi bon nombre de professions libérales dont des médecins. Il faudra gagner aussi de nouveaux clients sur les 68,5 millions d’utilisateurs (certains sont possesseurs de deux appareils) qui dépensent en moyenne 38 € par mois en communications mais aussi en transmission de données pour l’internet mobile. De ce point de vue, il faudrait peut-être attendre la deuxième vague de l’offensive qui prévoit, après les forfaits intégrant les communications quasi illimitées vers France et les lignes fixes d’un grand nombre de pays étrangers*, associés à un volume conséquent de données transmises, l’arrivée d’offres data seules sur une seconde SIM de l’abonnement principal. Ce genre de proposition, annoncée par Xavier Niel lors de la conférence de presse de lancement, ciblera évidemment les utilisateurs de tablettes et d’ordinateurs portables dotés de modules 3G, typiquement les professions libérales pratiquant le travail nomade comme, par exemple, les médecins de ville désirant accéder à distance aux dossiers de leurs patients.
Attendre ou changer maintenant ?
Pour les impatients, la tentation de s’abonner chez Free Mobile est évidemment tentante mais il faut en connaître toutes les conditions. Un point particulier est souligné par les associations de consommateurs, c’est la définition de l’illimité. On sait que cette notion est réellement impropre puisqu’elle n’existe pas dans la réalité. Tous les opérateurs posent une limite qui ne peut d’ailleurs vraiment inquiéter que ceux qui passent leur vie le téléphone à l’oreille. Généralement, le taquet est posé par le nombre fini de correspondants sur un mois qui va de 199 différents chez Orange (le mieux disant) à 99 chez La Poste Mobile. Chez Free on se contente simplement de reprendre une formule déjà utilisée dans les conditions générales de vente de l’offre ADSL concernant la téléphonie fixe : l’illimité cadré par « une utilisation non abusive » ce qui est pour le moins imprécis et évoque un pouvoir de décision discrétionnaire qui irrite l’UFC-Que Choisir. L’opérateur alternatif pratique aussi le prélèvement d’avances sur facture en cas de dépassement au-delà de 20 € et demande un dépôt de garantie de 200 € aux rétifs du prélèvement automatique, ce qui n’est pas illégal selon un jugement rendu en mars dernier. Enfin, les clients s’abonnant en boutique (celles-ci sont encore rares) au lieu d’Internet se voient demander par Free 10 € de frais de port pour recevoir leur carte SIM. C’est sur la durée qu’il faudra ensuite juger l’offre Free notamment après la levée de la « terminaison d’appel mobile » asymétrique** dont elle profite en tant que nouvel entrant, puis sur l’évolution des tarifs une fois les premiers objectifs atteints. Xavier Niel a evoqué des tarifs réservés aux trois premiers millions de clients. Il faudra suivre également l’évolution de la qualité de service du réseau que le régulateur ausculte régulièrement ; il est encore trop tôt pour la juger. À ce propos, il ne faut d’ailleurs pas perdre de vue que la mise en place de la 4 G va vraisemblablement s’accélérer pour essayer introduire un nouveau paramètre différenciant sur le marché de l’Internet mobile.
Faire jouer la concurrence
De toute façon, l’évolution du marché va modifier les habitudes des clients qui ne seront plus obligés de s’engager sur de longues périodes et pourront, s’ils le désirent, soit changer d’opérateur à loisir en conservant leur numéro, soit négocier des avantages pour prix de leur fidélité. Les trois opérateurs dominants ont d’ailleurs bien compris qu’ils pouvaient faire une croix sur leurs rentes de situation et qu’ils devaient se montrer inventifs en terme d’offre et agressifs en terme de prix s’ils ne voulaient pas continuer à perdre des milliers d’abonnés (voir Tableau). Bouygues s’est ainsi immédiatement aligné sur l’offre Free à 19,99 € en basculant automatiquement dessus tous ses clients B&You afin de les retenir. Orange a également réduit les prix de ses abonnements Sosh de 40 à 50 % mais en changeant certains paramètres comme le décompte en temps de l’Internet mobile et non plus en Mo ou la durée du temps d’appel. De même SFR a réduit d’un facteur 2 ou trois les prix des abonnements vendus sous sa marque en les alignant sur les propositions de sa sous-marque Red. Mais là aussi, la composition de certains ingrédients a été modifiée ce qui change la nature des offres initiales. Il est à noter que ces abonnements économiques s’adressent majoritairement à des clients jeunes qui n’ont pas obligatoirement les mêmes préoccupations que les professionnels et qui sont surtout plus enclins à changer de fournisseur. Pour se libérer de cette contrainte d’ajustement permanent, il est intéressant de regarder du côté des offres modulables que propose Prixtel. Modulo est un forfait qui s’ajuste automatiquement mois après mois sur l’offre la plus avantageuse du marché. Comme il s’y était engagé, cet opérateur virtuel a intégré les deux tarifs Free dans ce mode de calcul ce qui rend sa formule attractive si l’on a une consommation très hétérogène en téléphonie et en data. Ajoutons que Prixtel propose aussi un modem ADSL avec accès Internet à 22,90€/mois auquel on peut adjoindre une ligne ToIP de téléphonie fixe à 5 €/mois mais sans TV.
Et les offres professionnelles ?
Difficile d’avoir une vision claire des répercussions de cette révolution tarifaire sur les offres professionnelles intégrant l’Internet, la téléphonie fixe et mobile, et des prestations informatiques. Ces propositions qui intéressent plutôt les cabinets de groupe, sont généralement des engagements globaux sur des périodes assez longues et ne peuvent donc être renégociées qu’à l’échéance des contrats. Mais ne doutons pas qu’à brève échéance ces tarifs feront aussi l’objet de révision à la baisse car, dans ce registre aussi les excès sont encore flagrants.
* Les appels vers les mobiles nord-américains (USA et Canada) sont inclus dans ce forfait
** Péage versé par l’opérateur de l’appelant à l’opérateur de l’appelé ; le régulateur (l’ARCEP) fait bénéficier Free d’une ristourne temporaire pendant sa période de démarrage.
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