Les médecins remplaçants qui ont généralement la trentaine sont nés avec l’informatique. Et ils la jugent indispensable au fonctionnement d’un cabinet puisque selon l’enquête menée entre novembre et décembre 2011 par le Syndicat national des jeunes médecins généralistes, 58 % d’entre eux font de l’informatisation du cabinet, la principale condition pour accepter un remplacement (930 l’ont placé en tête sur 1 610 participants à l’enquête)*.
« Si le médecin est réfractaire à l’informatique, si ses bio et autres résultats d’examen, courrier et comptes-rendus sont perdus au milieu du fatras de dossiers papiers de la pièce débarras du fond du cabinet, la tâche du remplaçant se complique dangereusement » s’exclame Jamal Atigui qui a répondu à l’enquête du SNJMG et remplace depuis 7 ans. « L’informatique résout les problèmes de lisibilité, ajoute le Dr Stéphane Kella, évoquant, l’illisibilité traditionnelle de l’écriture manuscrite de certains médecins » Mais le médecin même informatisé n’a pas forcément abandonné le papier (voir plus loin). « Les fiches papier, -heureusement on n’en voit plus beaucoup-, c’est pire qu’un logiciel dont on ne sait pas se servir » conclut le Dr Bérengère Crochemore, 32 ans, porte-parole de ReAGJIR (Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants)
Naviguer d’un logiciel à l’autre
L’arrivée dans un cabinet inconnu, débute en effet par la prise en main du logiciel du médecin. Il lui faut apprivoiser le logiciel pour ne pas effrayer le patient ce qui conditionne la qualité des premières consultations. Conscients de la difficulté, le remplacé fait ce qu’il peut pour faire une petite démo au remplaçant en y consacrant entre une demi-heure et une heure mais l’opération est chronophage si l’on veut tout montrer.
« Il m’a montré rapidement le logiciel. Je ne le connais pas. Il a l’air bien compliqué, et je ne suis pas sûr d’avoir tout bien retenu. Je pense qu’il y aura quelques ratés. Comme d’habitude, je vais hésiter entre faire des observations exhaustives et aller à l’essentiel » écrit sur son blog (http://drfoulard.fr) le Dr Foulard, interne en médecine générale et un peu remplaçant aussi.
« C’est peut-être particulier à la France mais il y a pléthore de logiciels médicaux et, c’est le piège, ils ne tournent pas toujours sur la même version » souligne le Dr Crochemore.
« En principe le logiciel est à jour si l’on paie sa maintenance mais pour le matériel, j’ai tout vu ; d’une unité centrale qui soufflait comme une locomotive à l’iMac flambant neuf avec écran 27 pouces. D’une façon générale, l’état des locaux est assez prédictif du matériel informatique utilisé », précise le Dr Kella qui a été confronté à MediStory, Hellodoc, Axilog et Pratis Live : « globalement ils sont assez intuitifs ». « Notre génération a grandi avec l’informatique et les logiciels sont assez intuitifs mais on n’est jamais à l’abri d’une mauvaise manip ». Intuitifs, ce n’est pas l’avis du Dr Aurélien Prato, 30 ans, remplaçant depuis un an et demi d’abord en Lorraine puis en Haute-Savoie. Sur la dizaine de logiciels rencontrés, il n’en sauve que trois : il les juge dans l’ensemble, très peu ergonomiques avec des icônes mal choisies, obligeant à faire beaucoup de clics. La sentence tombe : « ce sont des logiciels des années quatre-vingt »
Ces logiciels peuvent tout faire mais c’est trop exigeant pour le médecin qui, du coup, ne s’en sert pas. Bien souvent le dossier se limite à quelques notes à chaque consultation.
« J’ai vu des médecins qui reçoivent toujours leur biologie par courrier et ressaisissent les résultats dans les dossiers informatisés », se désole le Dr Prato. « Ils ne savent pas utiliser de manière optimale les outils d’archivage des données. Souvent, j’en sais plus sur le logiciel que le médecin que je remplace, note le Dr Kella finalement optimiste sur les nouvelles générations de médecins. Il reconnaît que la découverte des fonctionnalités du logiciel, qui peut assurer beaucoup de tâches (administration, télétransmission, comptabilité) en plus de la médecine, est, au départ, extrêmement chronophage. « On demande beaucoup au médecin généraliste. »
Essentiel, l’accès Internet
Ce dont les remplaçants ne peuvent pas se passer, c’est l’accès à Internet. « C’est l’outil essentiel. »
je regarde Internet en consultation, je vais vérifier certaines choses sur des sites et je montre au patient le résultat ( Dr Crochemore). « Je l’utilise beaucoup en consultation, confirme le Dr Prato, pour les pages jaunes et les petits doutes. J’ai un répertoire dans Google Docs avec mes références sur des PDF.
Ce qu’il faudrait, disent-ils tous en chœur, c’est davantage de formation initiale universitaire des généralistes, avec en vue le DMP et les téléservices. Les CPAM, dont c’est tout l’intérêt, propose des réunions aux internes, mais c’est hétérogène. Il faudrait au moins qu’ils se coordonnent avec les professeurs de médecine générale.
« Je pensais que l’expérience était l’atout principal du remplaçant pour faire face à ces difficultés, constate un remplaçant, mais la réalité montre que c’est plutôt l’intérêt du remplaçant pour les nouvelles technologies ainsi que ses qualités d’adaptation. »
*L’enquête sera publiée en mai. Sur le site du SNJMG (http://www.snjmg.org/), une application de calcul automatique des honoraires des remplaçants.
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