« APRÈS DEUX ÉCHECS au concours je me suis remis en cause et je me suis demandé si j’avais la carrure pour suivre des études de médecine, se souvient Guillaume, installé à la terrasse d’un café de la place Kvatric, dans le centre de Zagreb. Mais une fois le choc des résultats passé, j’ai regardé les choses différemment et je me suis dit que je n’avais raté le concours que de 0,3 point, soit huit questions fausses sur toute une année de travail. Puisque c’était ce que je voulais faire, il n’y avait pas de raison d’arrêter. » Guillaume a 21 ans. Ancien étudiant à Paris XI, il est actuellement en troisième année et fait partie des vingt-trois étudiants français venus faire leurs études de médecine en Croatie.
L’Université de médecine de Zagreb a ouvert en 2003 la « Medical Studies in English », une section où les cours sont intégralement dispensés en anglais. Une aubaine pour les Français qui maîtrisent cette langue.
Le premier à être venu poursuivre ses études dans la capitale croate s’appelle Jean-Loup. C’était en 2004. « Quand je suis entré en 2e année, j’ai trouvé ça bizarre d’être le seul Français dans cette fac alors que tous les ans, des milliers d’étudiants se retrouvent dans une impasse quand ils ratent deux fois le concours. Voyant que le niveau était bon et que cette école offrait des débouchés intéressants, j’ai commencé à diffuser des informations sur Internet. »
Sésame pour l’Amérique.
La « solution croate » peut être bien plus qu’une roue de secours ; la faculté de Zagreb offre des perspectives séduisantes puisque l’école prépare à l’USMLE (United States Medical Licensing Examination), le sésame pour devenir médecin aux États-Unis. Autre voie possible, l’Europe. Car si ces étudiants français ont fait le pari de partir faire médecine à Zagreb, ils l’ont fait en connaissance de cause : la Croatie doit entrer prochainement dans l’Union Européenne (on parle de 2012). Une intégration qui leur permettra d’exercer ensuite n’importe où dans l’UE. L’harmonisation des doctorats de médecine facilite désormais la mobilité des médecins, et dans ce domaine la Croatie s’est déjà mise à l’heure européenne.
Nicolas, 21 ans, était initialement venu avec cette idée du retour en France. Il voulait « faire (ses) six années de médecine ici et ensuite rentrer travailler à Lille ». Il est peut-être en train de changer d’avis : « Finalement, explique-t-il, étudier en anglais et à l’étranger m’ouvre au monde médical et je finis par me dire qu’il n’y a pas que la France. Du coup je me verrais bien faire ma spécialité aux États-Unis. »
La faculté de médecine de Cluj, dans l’Ouest de la Roumanie, a créé de son côté un programme où les cours sont intégralement dispensés en français. De plus en plus d’étudiants qui n’ont pas eu le concoursen France choisissent cette option, d’autant plus que la Roumanie a l’avantage d’avoir déjà intégré l’UE. Anne-Lise, béarnaise exilée à Zagreb depuis 2007 ne regrette cependant pas son choix. « Quitte à partir à l’étranger, autant faire ses études en anglais. Ca peut ouvrir de nouvelles portes. »
L’amertume d’avoir eu à s’expatrier pour poursuivre médecine ? Pour tous, elle est passée. Reste néanmoins le poids du regard des autres. « L’école coûte 7 000 euros par an et on entend souvent dire qu’on achète notre diplôme. Mais le niveau est exigeant. Ici par exemple, les notes ne se compensent pas, on doit avoir la moyenne dans toutes les matières, voire plus, pour valider une année », raconte Anne-Lise. Dans la promotion de 2006, sur quatre Français deux ont redoublé et un a abandonné. Dans la promotion suivante, sur 15 Français 5 ont redoublé. Selon Jean-Loup, « si on achetait notre diplôme un tel taux d’échec n’existerait pas ».
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