Les étudiants en santé sont particulièrement exposés aux risques psychosociaux. Or les mesures de prévention concrètes tardent à voir le jour. L’université a-t-elle fait tout ce qui était en son pouvoir pour aider ces jeunes en souffrance ?
Pr Patrice Diot : Manifestement non, puisqu’il y a malheureusement eu un nouveau suicide dernièrement. Et indépendamment de ces passages à l’acte, le malaise est profond. Au quotidien, un mal-être existe. C’est en cela que nous n’avons pas réussi. On nous reproche d’avoir de bonnes intentions mais de ne rien faire. Ce n’est pas tout à fait juste. À la Conférence des doyens, nous avons entrepris des choses qui n’ont pas fonctionné. Nous avons créé des commissions d’accompagnement des étudiants, des commissions de déontologie… Les remontées des étudiants demeurent pourtant extrêmement préoccupantes car elles ne montrent pas d’amélioration de la situation. Nous devons le reconnaître, ce que nous avons fait n’a pas suffi. Nous devons changer de méthode et prendre des mesures (opérationnelles), très vite.
Que proposez-vous ?
J’ai proposé à l’ensemble des parties prenantes de nous réunir le 29 mars. D’une part pour rappeler la réglementation, les limites à ne pas franchir et ce que sont les conduites délictuelles, d’autre part pour écouter le diagnostic étudiant. Nous échangerons aussi sur un plan d’action que je suis en train d’élaborer et qu’il faudra enrichir. Je souhaite mettre en place des actions très pratiques. Par exemple, peut-on envisager des suspensions d’agrément quand de mauvaises conduites nous sont signalées ? La réponse est oui, il faut que nous le fassions. Nous devons mettre les étudiants à l’abri dès que nous avons des signalements.
Au-delà de ces mesures, ne faut-il pas également opérer un changement des mentalités ?
Il y a deux types de situation. Premièrement, des situations délictuelles, et pour diverses raisons, les étudiants ne vont pas forcément au bout de la démarche de déposer plainte auprès du procureur. Il est donc fondamental de libérer la parole et d’accompagner les étudiants en mettant au point un système de déclaration d’évènements qui les protège. À côté de ça, il y a aussi des écarts aux bonnes pratiques dans les relations humaines. Certaines pratiques étaient acceptées à l’époque où j’étais étudiant en médecine. La société a évolué mais le monde médical n’a pas avancé comme elle.
Les risques psychosociaux sont plus élevés chez les étudiants en santé que dans d’autres secteurs. Reconnaître que les études de santé peuvent être "maltraitantes" de manière systémique, est-ce déjà une manière de faire avancer les choses ?
C’est le cas dans le monde entier. Il y a un décalage entre l’évolution de la société et les contraintes qui pèsent sur les personnes qui se préparent à l’exercice de la médecine. Nous devons veiller à introduire dans les études de médecine de la bienveillance, de l’écoute, de l’accompagnement. Ne serait-ce qu’à cause de l’exposition à la souffrance des autres, du côté des encadrants. Il y a une dureté qui se constitue et on en oublie qu’on a affaire à des jeunes qui n’ont pas cette carapace et qu’il faut les protéger.
Même s’il faut faire attention à ne pas surmener les étudiants en médecine, l’apprentissage du métier de médecin restera toujours exigeant et fatigant. Mais ce qui fait souffrir les étudiants en plus de la charge de travail, c’est le manque de considération et ça, ce n’est plus possible.
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