Le compte à rebours est lancé. Il ne reste plus que quelques jours au gouvernement pour remettre sa copie sur les nouvelles modalités d’admission en deuxième année de médecine, et notamment uniformiser le second groupe d’épreuves – c’est-à-dire les décriés oraux.
Le 29 décembre 2023, le Conseil d’État avait en effet donné raison au collectif PASS-L.AS 21, qui dénonçait des modalités de sélection « illégales » dans le cadre de l’accès en deuxième année. Ce groupe de parents et d’étudiants très mobilisés soulignait la rupture d’égalité au niveau national entre les candidats – avec la possibilité pour les facultés de pondérer très différemment les épreuves et d’attribuer aux oraux jusqu’à 70 % de la note globale finale ! La plus haute juridiction administrative avait donné raison au collectif et considéré comme partiellement illégal l’arrêté relatif à ces épreuves ainsi que la disposition du code de l’éducation renvoyant « purement et simplement aux universités » le soin de déterminer la pondération respective des deux groupes d’épreuves (écrits et oraux).
Les oraux, 30 % de la note globale
Pour rectifier le tir, le Conseil d’État avait accordé six mois au gouvernement pour harmoniser les oraux et établir une pondération nationale. À cette fin, le ministère de l’Enseignement supérieur et celui de la Santé ont organisé des ateliers de travail réunissant les acteurs concernés : associations étudiantes, doyens, France Universités.
Selon plusieurs sources concordantes, une nouvelle mouture des oraux a émergé des discussions et a été votée en juin par les membres du Cneser. Il a été décidé que les oraux représenteraient environ « 30 % » de la note globale finale – avec un minimum de deux et un maximum de quatre oraux organisés par les universités. Ces modalités doivent être encadrées par un décret et un arrêté, en préparation (y compris le contenu et le détail des fameuses épreuves orales redéfinies). Pour être dans les clous du conseil d’État, le gouvernement a normalement jusqu’au 29 juin pour publier ces textes, sans quoi il s’exposera à payer des astreintes et à subir de nouveaux recours contentieux.
Évidemment, ça paraît un peu surréaliste de sélectionner un candidat là-dessus…
Pr Benoît Veber, président de la Conférence des doyens de médecine
Toujours est-il qu’en dépit des avancées sur cette question, les étudiants en première année vont devoir dans quelques jours passer leurs oraux selon les modalités actuelles. « Les nouveaux oraux ne seront pas applicables dès cette année, confirme au Quotidien le Pr Benoît Veber, président de la Conférence nationale des doyens. Si les facultés modifiaient maintenant les modalités d’épreuves, elles se mettraient en porte-à-faux vis-à-vis de la réglementation car les modalités de contrôle des connaissances ont été votées par les conseils de gestion et les commissions de la formation et de la vie universitaire des universités », soutient-il.
Le pataquès des oraux (qui concerne aussi leur contenu même) pourrait donc rebondir. Dans certaines facultés où ces épreuves ont commencé, des étudiants s’étonnent des questions posées. À la fac de médecine de Lille, une étudiante en Parcours d’accès spécifique en santé (Pass) aurait été interrogée sur… les avantages du camping, ce que la fac dément*. « Évidemment, ça paraît un peu surréaliste de sélectionner un candidat là-dessus, ça n’a effectivement rien à voir avec de la médecine, admet le Pr Benoît Veber. Mais, dans le fond, le jury cherche surtout à évaluer l’aisance orale de l’étudiant et voir comment il défend sa position », glisse l’enseignant-chercheur qui regrette ce genre de « grand écart ».
Vers une nouvelle vague de recours ?
Dans ce contexte, de nombreux étudiants rétrogradés après les oraux pourraient, cette année encore, se tourner vers la justice pour obtenir réparation. « Des procédures concernant les épreuves écrites ont déjà été initiées cette année, notamment à Marseille. On s’attend à une vague de recours après les oraux », redoute Emmanuel d’Astorg, président du collectif PASS L.AS 21.
Depuis la suppression de la PACES, qui a introduit deux nouvelles voies d'accès – PASS et L.AS – aux études de santé, plusieurs dizaines de recours, individuels ou collectifs, ont été déposés à Paris, Strasbourg, Bordeaux, Toulouse, Saint-Étienne, Brest ou Marseille. « Les pouvoirs publics ont créé une réforme qui amène les jeunes dans les tribunaux, tacle Emmanuel d’Astorg. Chaque année, c'est la même chose : au mois de juin, nous recevons des dizaines et des dizaines de messages d'étudiants et de parents désabusés, avec les mêmes incompréhensions, interrogations et les mêmes doutes. La PACES avait ses défauts mais au moins les gens comprenaient pourquoi ils avaient échoué ! »
Face à la complexité et aux frustrations générées par le système actuel, les associations étudiantes plaident pour la création d'une voie d’accès unique aux études de médecine (licence). « Au-delà même de l’oral, il y a un manque de lisibilité criant de la PASS et de la L.AS, confirme le Pr Veber, au nom des doyens. Il faut simplifier le système avec un concours et des modalités d’accès quasi-identiques dans chaque université. Le corpus de connaissances doit aussi être identique pour tous les étudiants ! »
La quête d’une réforme du premier cycle qui garantisse totalement l’équité entre les carabins reste entière.
*Camping ? La faculté de médecine de Lille se défend…
L’UFR3S de Sciences de santé et du sport conteste les faits qui lui sont reprochés sur le contenu des oraux cette année. « Après vérification, nous nous sommes rendu compte qu’il s’agissait d’une question sur le “glamping” posée en juin 2021, lors des premiers oraux de PASS et L.AS. Depuis, les questions posées pendant les oraux sont systématiquement tournées vers la santé, l’environnement ou encore le sport, soit tout ce qui est périphérique à leur futur métier, assurent-ils au Quotidien. Nous regrettons que ce tweet infondé nous porte autant préjudice ! »
« Pour la coupe du monde, un ami a proposé quatre fois le prix » : le petit business de la revente de gardes
Temps de travail des internes : le gouvernement rappelle à l’ordre les CHU
Les doyens veulent créer un « service médical à la Nation » pour les jeunes médecins, les juniors tiquent
Banderole sexiste à l'université de Tours : ouverture d'une enquête pénale