Qu’est-ce qui est à l’origine de l’étude ESPRIT ?
Dr Philippe Michel Le travail sur la sécurité des patients s’est d’abord déployé dans les établissements de santé où les conséquences des erreurs médicales sont les plus graves.
Les études ENEIS, qui ont été menées en 2004 et en 2009, ont montré qu’une hospitalisation sur vingt était liée à un événement indésirable. Or, sur ces admissions avec événement indésirable, si une sur trois sont des réhospitalisations, les deux tiers restants viennent de la ville. On est donc allé voir du côté des soins de premier recours.
Et vous avez découvert que...
Dr P. M. ...comme pour les hospitaliers, chez les généralistes, la fréquence des erreurs est très élevée, ce qui ne m’a pas surpris. Sauf que les événements indésirables qui surviennent à l’hôpital ont des conséquences pour le patient beaucoup plus importantes. Par exemple, dans un établissement de santé, dans un service de 30 lits, il y a un événement indésirable grave tous les cinq jours.
En médecine de ville l’immense majorité des erreurs (les trois quarts) n’ont pas de conséquence clinique pour le patient. À peine 2% des erreurs ont eu des conséquences graves. Or, 2%, sur l’ensemble des actes de consultation qui sont faits en France, ça fait beaucoup. D’autant plus que cette proportion pourrait être sous-estimée. Quand un patient subit une complication à cause d’une erreur, il ne va pas toujours retourner voir son généraliste. Il change de médecin, il va voir un spécialiste, voire il se rend à l’hôpital. Dans tous ces cas, il n’aura pas été pris en compte par l’étude.
Que pourrait-on imaginer pour sécuriser la pratique des généralistes ?
Dr P. M. Si les problèmes d’organisation du cabinet sont la principale source d’erreurs évitables, les retards de diagnostic sont à l’origine des complications les plus graves. Or ces derniers étaient trop peu nombreux pour qu’on puisse établir un pourcentage.
Pour prévenir les erreurs, il faut améliorer la formation initiale mais aussi agir sur l’informatisation des cabinets. Si elle contribue à sécuriser la pratique, elle peut aussi créer des nouveaux risques. C’est tellement simple de se tromper de ligne ou de patient lorsque l’on clique sur le nom d’un médicament ! De la même façon, le regroupement, même s’il va dans le bon sens, ne va pas tout résoudre en matière de sécurité des patients.
Quant aux check-lists, elles ne sont pas adaptées à l’exercice en cabinet, trop rapide. C’est plutôt en standardisant sa pratique, en mettant des barrières au niveau de l’organisation du cabinet (en demandant, par exemple, à sa secrétaire de ne pas passer les appels lors des consultations), qu’on pourra éviter de faire des erreurs. L’objet de notre prochaine étude, actuellement en cours, est justement de correler les conditions d’organisation du travail avec la fréquence des événements indésirables pour voir si un médecin qui travaille seul, sans secrétaire ou avec un secrétariat téléphonique mutualisé, fait plus d’erreurs qu’un confrère qui exerce en groupe, en maison de santé, avec une secrétaire médicale formée. Les résultats de cette nouvelle étude seront rendus publics avant la fin de l’année.
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