Les données de santé appartiennent-elles aux patients ? Sous quelles conditions les médecins peuvent-ils les exploiter ?
Me Pierre Desmarais : Contrairement à ce que l’on pense, les données de santé fournies du patient ne lui appartiennent pas. Il n’y a pas de droit de propriété dessus car il s’agit d’informations. Celles-ci n’appartiennent à personne. Les médecins sont tenus d’appliquer la totalité du RGPD (règlement général de protection des données). En revanche, le consentement du patient est l’un des vecteurs pour traiter les bases de données. Généralement, le médecin qui veut exploiter, dans le cadre de sa pratique, les données de ses patients n’a pas besoin du consentement des patients : ces données entrent dans le cadre du « contrat médical » passé entre le médecin et le patient. Un cas qui est couvert par l’article 6 du RGPD sur la licéité du traitement des données. L’article 9 du RGPD indique, lui, les situations où le consentement n’est pas requis pour le traitement des données de santé.
Quelle est la durée d’archivage des données de santé numériques ou sur papier ?
Me P. D. : Il est souvent indiqué une durée de dix ans, mais en réalité les médecins doivent conserver leurs dossiers patients durant vingt ans à partir de la dernière fois où ils ont vu le patient (cinq ans en base active, quinze ans en archive intermédiaire). La durée de dix ans correspond en fait à celle de prescription de la responsabilité médicale. Cela s’applique aussi aux médecins qui partent à la retraite et n’ont pas de repreneur : ils doivent absolument conserver les dossiers patients car ils restent soumis à la responsabilité médicale après leur départ à la retraite. Si un médecin est mis en cause par un patient et qu’il a détruit le dossier, il ne pourra pas se défendre et aura, de plus, commis une faute en n’ayant pas conservé le dossier.
Lorsqu’un médecin vend son cabinet et transmet ses dossiers patients à celui qui reprend sa patientèle, quelles sont ses obligations ?
Me P. D. : La patientèle appartient au fonds libéral. Pour qu’il y ait une cession licite et incontestable, il faut que les patients acceptent d’être suivis par le médecin qui reprend le cabinet. En pratique, ce n’est jamais formalisé. Si un patient ne veut pas rester avec le nouveau médecin, il reprend son dossier. Lors de la cessation du cabinet, le médecin doit aussi transmettre ses dossiers au repreneur. Cela peut s’avérer compliqué si les logiciels métier ne sont pas interopérables. Il peut aussi arriver que l’éditeur du logiciel métier ne veuille pas donner accès aux dossiers médicaux, ou alors contre paiement. Les logiciels référencés Ségur devraient faciliter la transmission des données d’un logiciel à un autre.
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