LE QUOTIDIEN : Comment jugez-vous ce plan santé ? Libéral ou étatique ?
Dr CLAUDE PIGEMENT : La politique du « en même temps » est respectée dans ce texte sur la santé, qui tire parfois vers l'étatisation, parfois vers la privatisation. Ce plan se rapproche beaucoup de la loi Touraine de 2016, qui mérite au passage les droits d'auteur pour la création des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ! Il y a un cousinage réel entre les deux textes, fondés sur une approche territoriale de proximité de la santé.
Quelles mesures vont dans le sens de la privatisation ?
Les cliniques pourront s'associer aux groupements hospitaliers de territoire (GHT) et obtenir le label hôpital de proximité. On peut surtout noter l'absence de mesures qui vont dans le sens de la coercition ou de l'encadrement des dépassements d'honoraires. Le caractère libéral de la médecine est ainsi préservé. L'assurance-maladie a beau être prête, le tiers payant généralisé a été mis entre parenthèses jusqu'en 2020 pour un prétexte technique : on peut y voir un respect de la médecine de ville et du paiement à l'acte.
Enfin, le gouvernement a coupé les ailes à l'hôpital ! La ville profite d'un ONDAM (objectif de dépenses) en hausse de 2,5 %. Pourtant bon élève, l'hôpital hérite d'une enveloppe en augmentation de 2,4 % seulement, alors qu'il souffre d'un manque de moyens chroniques et qu'on lui réclame entre 600 et 900 millions d'euros d'économies en 2019.
À l’inverse, où se cachent les signes d'étatisation ?
Dans le système de santé qui se dessine, l'assurance-maladie est clairement en position de force avec le levier du financement des innovations ou le pilotage du DMP généralisé. La création en urgence de 400 postes de généralistes à exercice partagé est aussi un moyen de salarier la médecine.
Sur les CPTS, mon avis est nuancé. Après négociation, ces groupements dépendront d'un financement conventionnel et donc, une fois de plus, de la CNAM ! Pour autant, il s'agit d'une mesure qui valorise les équipes de soins et les acteurs de proximité.
Quant au développement de la rémunération au forfait, c'est a priori synonyme d'étatisation. Mais je note que les syndicats de médecins libéraux se battent quand il s'agit d'obtenir des indemnités forfaitaires pour la permanence des soins... Dans la même veine, ils sont favorables aux 4 000 futurs assistants médicaux alors que ces derniers devraient être financés au forfait. On est ici à la fois dans une philosophie libérale et dans une logique étatique.
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