Une étude inédite dresse l’inventaire des événements indésirables en médecine générale. 127 généralistes appartenant au Réseau des GROG se sont portés volontaires. Il en ressort que 3,5% des actes du médecin traitant sont émaillés d’incidents. Mais seuls 2 % de ceux-ci ont eu des conséquences cliniques graves pour le patient.
Une fois tous les deux jours. Les erreurs de prise en charge en médecine générale sont plus fréquentes que ce que l’on pouvait croire. Voici la principale découverte de la première étude épidémiologique sur les événements indésirables en soins primaires (ESPRIT) jamais publiée en France. Les Anglo-Saxons s’étaient déja auparavant intéressés au sujet, le BMJ Open ayant publié en juillet dernier un palmarès des erreurs médicales le plus souvent reprochées aux généralistes dans le monde
Réalisée dans le sillage de deux précédentes enquêtes sur les erreurs médicales, qui avaient été menées en milieu hospitalier en 2004 et en 2009 (études ENEIS), l’étude ESPRIT, publiée en décembre dernier à l’inititative du ministère de la Santé, braque le projecteur sur votre pratique. Une pratique sur laquelle s’étaient également penchés deux experts de la HAS, les Drs Jean Brami et René Amalberti dans leur livre « Audit de sécurité des soins en médecine de ville ». 127 généralistes du réseau des Groupes Régionaux d’Observation de la Grippe (GROG) se sont portés volontaires. Objectif : donner une première estimation des erreurs en médecine générale et en identifier les causes… Pour mieux les éviter alors que les patients semblent de moins en moins hésiter à poursuivre leur généraliste !
Rares, mais pas exceptionnels
Résultat : sur les 13 438 actes recensés – dont la plupart, huit sur dix, sont des consultations – 475 erreurs ont été identifiées. Des erreurs pas si fréquentes, mais pas exceptionnelles non plus (3,5% des actes) qui, fort heureusement, trois fois sur quatre (73 %), n’ont pas eu de conséquence clinique pour le patient.
Comme l’explique le responsable de l’étude, le Dr Philippe Michel, directeur de la qualité des soins aux Hospices civils de Lyon et vice-président de la Commission sécurité des patients du Haut Conseil de la santé publique (HCSP), contrairement à l’hôpital, où les conséquences pour les patients sont généralement plus importantes, les événements indésirables graves sont en effet « rares », en médecine générale.
Reste que, pour un quart des patients concernés, les erreurs recensées par les généralistes du GROG ont donné lieu à une incapacité temporaire (infection urinaire liée à un retard de traitement, malaises chez un patient diabétique, symptômes liés aux effets indésirables d’un médicament...) et que pour 2 % (9 cas en tout), les conséquences ont été cliniquement graves.
Même si elle peut paraitre faible, cette proportion n’en demeure pas moins « inacceptable », selon le Dr Michel. Néanmoins, il faut tout de même rappeler que si ces complications étaient liées à une erreur du médecin généraliste, celle-ci n’en était pas nécessairement la cause unique et directe. Par exemple, la seule erreur de l’étude associée à un décès est survenue en établissement de santé chez un patient de 87 ans insuffisant cardiaque. En cause : le délai d’obtention d’un rendez-vous qui a entraîné un retard de prise en charge. Conséquence : une hospitalisation d’urgence et le décès du patient.
Car cette étude du CCECQA (Comité de Coordination de l’évaluation clinique et la Qualité en Aquitaine) ne se contente pas d’évaluer le nombre d’incidents en médecine générale. Elle renseigne aussi sur les circonstances et les facteurs de survenue des événements indésirables. Ainsi, l’incidence des erreurs est légèrement supérieure lors des visites que lors des consultations en cabinet : 26 vs 21 pour 1 000 pour une moyenne de 22 pour 1?000 actes. Quant aux causes d’erreurs, elles sont multiples et variées. Un appel téléphonique pendant la consultation, un dysfonctionnement informatique, une intrication entre actes médicaux et actes administratifs, une prescription mal relue…
L’organisation du praticien souvent en cause
L’étude a identifié les principaux types de situation à risque et mis en exergue que la plupart d’entre elles (42 %) sont en rapport avec des problèmes d’organisation du cabinet. Par ailleurs, il s’avère que 21 % des erreurs sont liées à un défaut de communication entre professionnels de santé tandis qu’une fois sur cinq les événements indésirables dépendent d’un défaut de connaissances ou de compétences ou de leur mobilisation. C’est-à-dire que, dans le feu de l’action, parce qu’il est « parasité » ou « sous pression », le généraliste n’exploite pas tout son savoir.
« Quelle est vraiment la part d’erreurs qui est liée à un défaut de formation et d’actualisation des connaissances ? », s’interroge le Dr Michel. Moins souvent, une fois sur dix, c’est le patient qui est à l’origine de l’erreur (en tardant à consulter, par exemple) ou la maladie elle-même dont l’évolution a été inhabituelle (3 %).