SUR LA CROISETTE, le jury du prix cuménique, présidé par le réalisateur Radu Mihaileanu, après avoir couronné « Looking for Eric », la comédie chaleureuse de Ken Loach, a tenu à décerner un antiprix à « Antichrist », afin « d’honorer le film le plus misogyne du "plus grand cinéaste du monde" », ainsi que se décrit ironiquement Lars von Trear. De son côté, son producteur, lucide, a prévu pour les pays les plus prudes et les télévisions une version allégée des scènes les plus violentes ou jugées pornographiques.
Les spectateurs français pourront, eux, juger dès aujourd’hui s’il y a matière à crier au scandale, au chef-d’uvre, aux deux à la fois ou à la provocation gratuite. C’est en tout cas une expérience authentiquement cinématographique qui leur est proposée, l’uvre d’un auteur qui impose sa vision et ses obsessions, même si on n’en saisit pas toutes les significations.
L’histoire, rapidement résumée, ne dit pas la richesse des images et des questionnements qu’elle suscite, encore moins l’atmosphère envoûtante dans lequel le film nous enferme : après la mort de son enfant, un couple s’isole dans un chalet perdu dans une sombre forêt (celle de l’inconscient ?) et la jeune femme, inspirée par la nature et par un sentiment de culpabilité, est saisie par une destructrice folie.
Alors, certes, certaines scènes sont insupportables, on souffre pour les acteurs (parfois doublés par comédiens du porno) qui doivent mimer les pires sévices et on ne comprend pas toujours ce que les références à Satan et aux sorcières viennent faire là. Mais, comme cela arrive parfois, la douleur et le plaisir sont inséparables, redoublés par la musique céleste de Haendel.
Charlotte Gainsbourg, prix mérité d’interprétation féminine, a témoigné que, malgré ses exigences, Lars von Trier lui avait fait vivre un grand moment. Les amateurs de cinéma devraient pouvoir en dire autant.
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