Comment devons-nous considérer la sexualité animale ? Nous regardons la nature avec nos yeux d'Occidentaux. Notre culture nous dit que le sexe est une activité qui a pour fonction la reproduction, la perpétuation de l'espèce, « grâce à la production de descendants aussi réussis que possible, et que pour cela, la femme et l'homme coopèrent gentiment », comme l'exprime dans sa préface Pierre-Henri Gouyon, professeur au Museum national d'histoire naturelle.
Or, sexualité et reproduction ne sont nullement synonymes, dans le vaste cadre de l'animalité. Les bactéries piquent de l'ADN à d'autres bactéries, mais ne se reproduisent pas nécessairement. À l'inverse, un grand nombre d'êtres vivants se reproduisent sans avoir de rapports sexuels. Les coraux fixés à leur récif ne frayent qu'en lâchant leurs ovules et leur sperme dans l'eau de mer, espérant que leurs chemins se croiseront. C'est parfois par le plus grand des hasards qu'une femelle pseudo-scorpion absorbe une capsule remplie de spermatozoïdes. C'est en fait l'évolution qui rendra plus aisés certains accouplements, en transformant progressivement les organismes, en les adaptant le moins mal possible.
Bricolage évolutif
Nous avons dit évolution, et c'est bien dans un cadre darwinien que se développe le livre de Menno Schilthuizen. Il n'est plus question de faire la carte des espèces, tableau immuable que décrivaient Linné ou Cuvier. Dans « l'Origine des espèces » (1859), Charles Darwin ajoutait à la très connue sélection naturelle une sélection sexuelle. Cette dernière incluait la lutte entre mâles pour s'approprier les femelles et la sélection des mâles par les femelles à partir de caractères sexuels dits secondaires. On a tous présent à l'esprit quelque bel oiseau déployant un poitrail arc-en-ciel pour attirer une compagne.
La réalité est moins poétique. François Jacob parle de bricolage évolutif. Telle espèce met en scène des pénis et des vagins angulaires et tordus qui rendent très difficiles les accouplements. Dans d'autres cas, il y a des inséminations très violentes. L'araignée Harpactea sadistica (!) perce la peau de son/sa partenaire avec une aiguille pour y injecter sa semence. Souvent, la génétique se ramène à un viol. Enfin, certaines espèces pratiquent le clonage. Autre cas dans lequel l'activité sexuelle à fins reproductives échoue. La sexualité animale, c'est le hasard sans la finalité. Dans le cas humain, tapez Meetic.
Si nous découvrons que ces pages n'allument aucun feu libidinal en nous, ne pourrait-on pas s'accrocher au sous-titre de l'ouvrage, « Ce que les animaux nous apprennent de notre sexualité » ? En d'autres temps, Pierre Dac aurait répondu : « Oh ! par là j'entends pas grand-chose ! »
Reste qu'on ne peut rester indifférent à l'extrême beauté de deux mollusques répandant leur spermaphore et attendant des heures qu'il pénètre en martelant avec leur pénis. Car ainsi font les concombres de mer. Mais, aux dernières nouvelles, nous n'avons, le livre refermé, aucune information sur ce qui, chez les humains, est un si fort aiguillon, le plaisir.
Flammarion, 320 p., 21,50 €.
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