THEATRE - « I am the wind », de Jon Fosse

L’art, magistral, de Patrice Chéreau

Publié le 18/05/2011
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Crédit photo : S. ANNAND

APRÈS AVOIR mis en scène « Rêve d’automne », dont l’action se situe dans un cimetière, Patrice Chéreau a choisi une autre œuvre du Norvégien Jon Fosse. Une pièce très énigmatique qui se passe sur un bateau qui met cap vers une crique, puis vers le grand large…Traduite en anglais par un dramaturge très puissant, Simon Stephens, la partition de « I am the wind » (Je suis le vent) compte autant de « pauses » très précises que de mots. C’est laconique, énigmatique, envoûtant comme un conte de la haute mer, comme une légende bretonne avec Ankou et baie des Trépassés.

S’appuyant sur une scénographie de grève et d’océan signée Richard Peduzzi – mais ne disons rien du surgissement du bateau -, dans des lumières de Dominique Bruguière et le son et la musique distillés par Éric Neveux, Patrice Chéreau, avec Thierry Thieû Niang, dirige deux interprètes sublimes dans la vérité, la simplicité de leurs présences, leur proximité dans des vêtements sobres qui disent beaucoup de Caroline de Vivaise. Ils sont d’une profondeur, d’une sensibilité fascinantes. C’est une danse de mort et de camaraderie, une histoire de vie et de dissolution dans le grand tout océanique qu’est l’existence.

Tom Brooke, émacié jusqu’à la transparence, regard de voyant, fragilité de tout l’être est « L’Un ». Sa voix, sa manière d’articuler, nous font tout comprendre des entrelacs complexes de cette âme douloureuse et pure. Jack Laskey, séduisant et romantique, joues mangées d’une barbe de quelques jours, cheveux en bataille, beaux yeux intenses, est « L’Autre », celui qui tente de comprendre. Timbre prenant, précision des mots et des silences, tout en lui nous ouvre au mystère du poème de Jon Fosse. Un moment bref qui laisse des marques indélébiles dans les cœurs et les esprits.

Young Vic, 66 The Cut, London, jusqu’au 21 mai. Puis à Paris, au Théâtre de la Ville (tél. 01.42.74.22.77, www.theatredelaville-paris.com), du 3 au 11 juin, en ouverture des Chantiers d’Europe, qui ont lieu jusqu’au 19 juin. Durée : 1 h 10, en anglais très compréhensible. Puis aux Nuits de Fourvière-Lyon, du 15 au 18 juin et au festival d’Avignon du 8 au 12 juillet.

ARMELLE HÉLIOT

Source : Le Quotidien du Médecin: 8965