« Der Freischütz » de Weber à l’Opéra d'Amsterdam

Le retour attendu de Serebrennikov

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Publié le 10/06/2022
Production de l’Opéra néerlandais à Amsterdam, « Der Freischütz », de Carl Maria von Weber, marque le retour attendu à l’opéra du metteur en scène et cinéaste russe Kirill Serebrennikov après sa longue période d’assignation à résidence à Moscou.
Une version spectaculaire

Une version spectaculaire
Crédit photo : BART GRIETENS

Si « Der Freischütz » (« le Franc-Tireur ») marque le début de l’opéra romantique dans l’histoire de la musique allemande, sa forme de singspiel, avec des dialogues parlés souvent grandiloquents, autorise, deux siècles après sa création, une réappropriation dont ne se sont pas privés ces derniers temps des metteurs en scène iconoclastes tels que Calixto Bieito, La Fura del Baus ou Dmitri Tcherniakov. À peine libéré de l'assignation à résidence qui pesait sur lui depuis 2017 – période pendant  laquelle il a réglé à distance des mises en scène lyriques, dont le « Parsifal » de l’Opéra de Vienne –, Kirill Serebrennikov s’empare à son tour de cette œuvre emblématique. Il en a réécrit totalement les dialogues et propose un spectacle étonnant, superposant à l’intrigue aux relents diaboliques des contributions des chanteurs, choristes, musiciens. Il y introduit même des extraits du « Cavalier noir » réalisé en 1990 à Hambourg par Robert Wilson sur le même sujet avec des ajouts de William Burroughs pour Tom Waits.

On peut penser ce que l’on veut de ces manipulations d’œuvres cultes, force est de constater que le résultat est spectaculaire et très convaincant. Les chanteurs, aux aptitudes théâtrales inhabituelles, y sont pour beaucoup, ainsi qu'Odin Lund Biron, qui incarne avec brio l’Homme en rouge, personnage ajouté comme meneur de jeu – cet acteur américain formé à Moscou est aussi à l'affiche du film « la Femme de Tchaïkovski », présenté par Serebrennikov à Cannes, et du spectacle musical que ce dernier monte pour le festival d'Avignon, « le Moine noir » de Tchekhov, que l’on pourra voir à Paris au Châtelet en mars prochain.

Tradition à l'Opéra néerlandais, la production qui ouvre le Holland Festival convoque le merveilleux Orchestre royal du Concertgebouw pour une unique prestation annuelle dans la fosse. Sous la direction du jeune chef autrichien Patrick Hahn – qui joue aussi le personnage diabolique de Samiel –, il a donné de cette musique, quintessence du romantisme allemand, une interprétation superlative, et le Chœur de l’Opéra national, impliqué théâtralement dans le spectacle, s’est montré remarquable. La distribution magnifique était dominée par la basse allemande Günther Grossböck, que le public français connaît bien pour ses participations à des productions wagnériennes. (Jusqu'au 25 juin, operaballet.nl, hollandfestival.nl)

Olivier Brunel

Source : Le Quotidien du médecin