Le violoniste des Lumières

Fils naturel d’un fonctionnaire de la Couronne en Guadeloupe et d'une esclave noire, Joseph Bologne (1739-1799) est amené enfant en France. Quoique considéré comme esclave en vertu du Code noir, il reçoit grâce à la fortune et à la position de son père une éducation de premier ordre. C’est tout d’abord comme escrimeur hors pair et comme cavalier qu’il se distingue et peut entrer dans l’Armée royale. Parallèlement, il apprend la musique avec pour maîtres les réputés Jean-Marie Leclair aîné et François-Joseph Gossec. Son habileté de compositeur et de violoniste lui permet d'accéder à Marie-Antoinette et à des fonctions honorifiques à la Cour de Louis XVI. Mais le poste de directeur de l’Académie royale de Musique lui est refusé, créant le premier scandale raciste en France. Par la suite, il connaît des succès militaires aux nombreuses péripéties. Capitaine dans la Garde nationale à Lille, il organise un régiment de volontaires noirs. Il est même emprisonné quelques mois pendant la Terreur. Il meurt à 54 ans à l'aube du XIX^e siècle.

Musicien très réputé à l’époque des Lumières, le chevalier de Saint-George connut un très long purgatoire avant que sa musique ne recommence à circuler dans de nombreux pays, principalement aux États-Unis. C’est là qu'a été produit un film biographique, « Cavalier », de Stephen Williams, qui devrait sortir en avril 2023 et faire connaître à un plus vaste public l’histoire extraordinaire de cet être d’exception.

Si l’on veut découvrir grâce à des témoignages français, notamment celui du journaliste Alain Guédé, auteur d’une biographie de Saint-George parue chez Actes Sud en 1999, le détail de ce parcours très singulier, mais surtout sa musique, le film paru sur DVD « Le Chevalier de Saint-George. L’archet des Lumières », réalisé en 2021 par Martin Mirabel pour BelAir Classiques, offre un large échantillon de sa production musicale. Le Quatuor Cambini, le soprano Magali Léger et Julien Chauvin multiplient les exemples issus de sa musique pour violon, pour quatuor, et de ses opéras. Un concert dirigé par Julien Chauvin offre en bonus une grande heure de ses œuvres ainsi qu’une confrontation avec des œuvres de Mozart et de Haydn, auxquels il fut souvent comparé. Un regret cependant, l’absence de livret, donc de documentation écrite complétant ce passionnant film.