Certificat de non contre-indication au sport

Pr François carré : « Interrogatoire, examen clinique et ECG détectent 70 à 80% des pathologies cardiaques à risque »

Publié le 11/09/2014
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Crédit photo : SALVATORE CARAMBIA

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Crédit photo : dr

LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN : Face à l’avalanche de certificats de non contre-indication au sport que font les médecins à chaque rentrée, pouvez-vous préciser quelles sont ses obligations légales ?

Pr FRANÇOIS CARRÉ : Légalement, un certificat médical de non-contre-indication pour un sport doit être délivré à tout sujet qui veut une licence de fédération sportive ainsi qu’aux non licenciés désireux de participer à des compétitions. Ceci quels que soient l’âge du pratiquant et le niveau de la compétition. Cette visite peut être faite par « tout médecin qui s’en sent compétent » sauf pour quelques sports dits à risque. Un médecin est parfaitement en droit de ne pas les faire. En revanche, son contenu n’est pas légalement précisé. Sur le plan cardiovasculaire, les sociétés européennes (2 005) et françaises (2 009) de cardiologie, recommandent que pour la pratique de la compétition, la visite s’appuie sur un interrogatoire, un examen physique et un électrocardiogramme (ECG).

Pourquoi une visite, la pratique sportive est-elle si dangereuse ?

La pratique sportive est bénéfique pour la santé et doit toujours être encouragée. Cependant lors de la pratique du sport intense des accidents graves non traumatiques, surtout cardiovasculaires graves, peuvent arriver. Ils sont extrêmement rares surtout avant 18 ans heureusement. Dans ces cas, le sport ne crée pas la pathologie il ne fait que la révéler.

Le terme de « compétition » est-il parfaitement clair ? Il semble qu’il y ait beaucoup de visites motivées par d’autres circonstances, voire des abus.

La compétition est définie par le fait qu’une personne s’entraîne avec un objectif de performance mais en France on considère que toute manifestation officiellement organisée avec un classement est une compétition. Il est vrai qu’il y a des abus. Des visites de non-contre-indication sont demandées sans qu’elles soient ni nécessaires ni obligatoires pour les bébés nageurs, pour la randonnée, ou par certains clubs avec pour seul motif de protéger leurs dirigeants alors que la contrainte cardiovasculaire de l’activité sportive ne l’impose pas. Elles ne sont pas non plus justifiées pour le sport à l’école : tous les enfants sont aptes à suivre les cours d’éducation physique. Bien sûr un médecin peut décider qu’un enfant est inapte à la pratique de certains sports. Pour qu’une pathologie se révèle à l’effort, a fortiori chez un enfant, il faut qu’il soit intense.

Quel est le « contenu optimal « de cette visite ?

Certains signes doivent alerter. L’interrogatoire doit dépister les antécédents familiaux. Ainsi, le décès prématuré d’un jeune dans la fratrie doit alerter : il n’est pas normal de décéder à 15 ans ou à 20 ans en dehors d’un accident, d’une maladie connue ou d’un suicide. Dans l’immense majorité des cas, les accidents cardiaques liés à l’effort sont précédés de symptômes. Il faut donc demander à l’écolier s’il présente des symptômes, malaise, battements cardiaques anormaux, douleurs dans la poitrine, essoufflement ou fatigue anormaux à l’effort par rapport à ses copains. L’examen physique cardiovasculaire doit rechercher un souffle organique, une asymétrie des pouls, une anomalie tensionnelle. L’intérêt de l’ECG est confirmé par plusieurs études internationales qui montrent que la combinaison interrogatoire + examen physique dépiste 10 % des pathologies cardiovasculaires à risque alors qu’interrogatoire + examen physique + ECG détecte 70 à 80 % de ces pathologies. Rappelons que les trois examens sont aussi importants l’un que l’autre.

Les médecins généralistes sont-ils en mesure de réfuter un certificat sur l’analyse de l’ECG ?

Environ la moitié des médecins généralistes est équipée d’un électrocardiographe en France, notamment les plus jeunes. L’objectif de cet ECG n’est pas de faire un diagnostic précis de cardiopathie rare, ventricule droit arythmogène ou de syndrome de Brugada ,…mais de conclure à « ECG normal ou anormal » et de demander alors l’avis d’un cardiologue qui réalisera le bilan diagnostic adapté. Ceux qui s’y opposent avance des arguments de temps ou de compétence, alors que les machines ECG dépistent maintenant bon nombre, souvent par excès d’ailleurs, d’anomalies. Ces arguments me paraissent peu recevables pour un examen qui rappelons le, peut sauver une vie.

Compte tenu de la diversité des sports et les différents risques associés qui ne sont pas forcément que cardiaques ?

Normalement, concernant les sports spécifiques ou à risque, la fédération sportive précise les examens dont elle a besoin. C’est par exemple le cas pour la boxe où il est nécessaire d’avoir un examen ophtalmologique.

Finalement, les refus sont-ils fréquents ?

Selon les études actuelles, les contre-indications pour le sport de compétition sont comprises entre 1 et 2 %. Un bilan cardiologique complémentaire est nécessaire dans 4 à 7 % des cas.

Propos recueillis par le Dr Anne Teyssédou

Source : Le Quotidien du Médecin: 9347