Disons en préambule que la lecture de ces écrits est plutôt réservée au lecteur avisé de la biographie de Richard Wagner. Pour appréhender le compositeur dans sa totalité et en impartialité, l’ouvrage de Martin Gregor-Dellin (Fayard) reste plus de quarante ans après la référence absolue. Et il est rassurant de constater que dans les abondantes notes du « Carnet brun. Journal intime (1865-1882) », son traducteur Nicolas Crapanne s’y réfère constamment.
Le musicien a bien plus écrit que composé. La liste de ses écrits est aussi impressionnante que les polémiques et controverses qu’ils ont soulevées. « Le Carnet brun » se situe à part et son histoire mérite d’être explicitée. En 1865, sur injonction de son père Franz Liszt, Cosima, épouse du chef d’orchestre Hans von Bülow, avec qui Wagner entretenait une de ses nombreuses liaisons extraconjugales, dut quitter Munich pour éviter le scandale. Elle remit alors à son amant un gros livre de pages blanches très richement relié de cuir, orné de pierres semi-précieuses dans le goût néomédiéval et muni d’une serrure, afin qu’il puisse y consigner ce qu’il ne pourrait plus lui confier de vive voix. Dans ce carnet, conservé jusqu’en 1882, le compositeur a tenu de façon très irrégulière et parfois elliptique un journal dans lequel il commente son quotidien, la correspondance qu’il continue d’entretenir avec Cosima, et l’essentiel de ses rapports avec le jeune roi de Bavière Ludwig II. Le Carnet est parfois le miroir des préoccupations de santé quasi hypocondriaques du compositeur – largement étudiées dans l’ouvrage du Dr Pascal Bouteldja « Un patient nommé Wagner » –, expliquant nombre de déplacements dans des lieux d’hydrothérapie. Wagner s’y livre aussi à un exercice de mémoire avec les « Annales », résumé de sa vie dans des notes souvent télégraphiques et parfois énigmatiques, brouillon préparatoire à la grande autobiographie qu’il a dictée des années plus tard à Cosima, devenue son épouse.
Le « Carnet brun » est demeuré un secret de famille. Cosima l’a légué à leur fille Eva. Offert à la Ville de Bayreuth en 1931, il n’a été rendu public qu’en 1975 avec sa publication en allemand. Il a été traduit en anglais, puis en italien, mais il aura fallu attendre près d’un demi-siècle pour la traduction française. On ne peut que se réjouir que cet objet, mosaïque littéraire au destin singulier et à usage strictement privé, soit enfin livré à la connaissance d’un large public. (Gallimard, 384 p., 23,50 €)
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