De maison de concierge, cette petite bâtisse qui jouxte les grilles de l'entrée du centre hospitalier intercommunal de Créteil (CHIC, Val-de-Marne) est devenue par la grâce d'un lifting suédois un centre d'un genre nouveau.
Sa particularité : on y délivre des consultations médicales… sans médecins. Une infirmière et une secrétaire se déplacent de la salle d'attente aux deux petites salles de téléconsultation dans un environnement aux couleurs sereines – vert d'eau et pêche au mur, bois clair au sol. Et cette affiche : « Tout va bien : un médecin Livi va vous prendre en charge ». À trois bâtiments de là, les urgences de l'hôpital ne désemplissent pas. 110 000 passages en 2018 pour 14 équivalents temps plein médecins. 10 000 de plus qu'en 2017…
Nouvelle brique
Structure hybride, avec un accueil physique mais une prise en charge digitale, le centre Livi (éponyme de la société suédoise de téléconsultation) a ouvert ses portes mi-février avec pour mission principale de désengorger les urgences du CHIC. « C'est un pari, une première en France ! s'enthousiasme le directeur adjoint de l'hôpital, Jean-Bernard Castet. Ce centre est une nouvelle brique pour proposer aux patients des urgences de l'hôpital une autre prise en charge tout en respectant leur choix. »
En pratique, un malade qui arrive aux urgences est accueilli par une infirmière d'orientation, qui recueille les premières informations et adresse éventuellement le patient vers le centre Livi si ce dernier relève d'une consultation simple à distance avec un généraliste.
Livi a listé les pathologies et maux les plus courants que le centre peut prendre en charge : inflammation (cystite, œil rouge, rhume, toux, maux de gorge), affections de la peau (insecte, éruptions cutanées), problème digestif (constipation, brûlures d'estomac), affections diverses (chute de cheveux, mal de tête, trouble du sommeil) et suivi (renouvellement d'ordonnance). La prescription d'arrêts de travail et de certains psychotropes sont restreints voire interdits. « Le centre Livi ne va pas changer la vie des urgences mais tout est bon pour fluidifier les parcours de soins et faire en sorte que les professionnels de santé se recentrent sur leur cœur de métier », analyse la communication du CHIC, qui assure que les médecins urgentistes ne sont pas réfractaires. Pour l'instant, une quinzaine de patients adultes issus des urgences ont été réorientés vers le centre – sans être admis ni enregistrés à l'hôpital. Trop tôt pour faire un bilan.
Ordonnances par e-mail
Le centre est ouvert du lundi au samedi de 17 à 21 heures et le dimanche et les jours fériés de 15 à 19 heures. Statutairement, il s'agit d'un centre de santé dont Livi est gestionnaire via une association. L'entreprise suédoise paye un loyer à l'hôpital, avec qui elle a contracté un partenariat. Les patients peuvent venir des urgences mais aussi directement, grâce au bouche-à-oreille.
Concrètement, une infirmière guide le patient dans l'utilisation d'un ordinateur pour démarrer une consultation en visioconférence avec l'un des 40 généralistes salariés (à l'heure et à temps partiel) de Livi, installés partout en France. À l'écran, |e médecin pose un diagnostic et peut envoyer une ordonnance par e-mail. Le patient bénéficie d'une consultation – digitale, donc – sans dépassements.
Flou sur le remboursement
La question de la prise en charge de ces consultations à distance reste posée. Livi assure « s'insérer dans le dispositif territorial d’accès aux soins » en proposant des consultations aux patients sans médecin traitant ou en cas d’indisponibilité de ce dernier. Ces deux dérogations au parcours de soins sont explicitement inscrites dans l'avenant 6 sur la télémédecine remboursée, si tant est que la prise en charge soit bien celle d'une « organisation territoriale de médecins » référencée (maisons, centres, équipes de soins primaires, CPTS).
C'est là où le bât blesse. Selon la CNAM, contactée par « Le Quotidien », l'assurance-maladie a demandé à LIVI de se conformer aux principes de l’avenant 6 en devenant une « organisation territoriale » reconnue afin que les patients passant par ce centre puissent être remboursés. « Mais cette société n’a pas souhaité engager cette démarche pour le moment », assure la caisse. Le Dr Maxime Cauterman, directeur médical de Livi, se veut confiant. « Le texte conventionnel n'impose pas que le généraliste téléconsultant soit à proximité. Je ne vois pas comment c'est possible de faire de la télémédecine avec des médecins du coin dans une zone qui en manque. On fait du soin, on aide même les patients à retrouver un médecin traitant, on répond à une approche territoriale. »
A l'Ordre du Val-de-Marne, la prudence est de mise. « Livi peut rendre des services à l'hôpital mais attention à la déconnexion territoriale en voulant à tout prix s'insérer dans les interstices de l'avenant 6 ! met en garde le Dr Jean-Noël Lépront, secrétaire général. Quelle connaissance un généraliste de Marseille peut-il avoir de l'organisation sanitaire du Val-de-Marne ? ».
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