« Aider les copains d'à côté » tout en mettant du beurre dans les épinards des jeunes urgentistes. C'est la philosophie du dispositif Urgences Centre-Val de Loire lancé en juillet 2018 par le Pr Saïd Laribi, en partenariat avec la Fédération hospitalière de France (FHF), l'agence régionale de santé (ARS) et la plateforme numérique Whoog, pour contrer la pénurie de médecins urgentistes.
Ancien de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP), le Pr Laribi est chef du service des urgences (SAMU 37/SMUR) du CHU de Tours, qui enregistrent 52 000 passages par an. Si sa petite entreprise ne connaît pas la crise, ce n'est pas le cas de celles de ces confrères de Loches, Chinon, Amboise et de la vingtaine d'autres services d'urgences d'hôpitaux de plus petite taille. Un poste sur deux y est assuré par des médecins intérimaires, recrutés via des agences ou en direct. Une situation parfois insatisfaisante, tant d'un point de vue financier que sanitaire. « Les praticiens hospitaliers en poste n'ont pas le droit d'aller faire des gardes ailleurs, explique le Pr Laribi. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé de créer un cadre légal dérogatoire et une rémunération attractive pour que les urgentistes volontaires de la région aillent prêter main forte aux collègues dans le besoin. »
Le médecin de 48 ans a commencé l'aventure « à l'artisanale », se souvient-il, en sollicitant – service par service – les adresses emails des quelque 270 urgentistes de la région afin de constituer un répertoire médical fondateur d'un pool régional unique en son genre. L'outil fait écho à l'idée de Marisol Touraine (la création d'un corps de praticiens hospitaliers remplaçants géré par le Centre national de gestion), restée lettre morte faute de décret d'application à la loi de santé de 2016.
Pas d'intérim sous le manteau
« Nous cherchions à avoir une meilleure vision du planning des urgences sur du plus long terme afin d'éviter de nous retrouver dans des situations de tension inutiles, précise le Pr Laribi. Nous avons sécurisé le dispositif par une convention signée par l'ARS, la FHF, les hôpitaux publics de la région et par l'utilisation de l'appli Whoog. Le travail du pool régional n'a rien à voir avec de l'intérim sous le manteau, c'est du remplacement à tarifs encadrés ».
Ce jeudi 21 mars, la plateforme Whoog affiche 150 demandes de remplacement qui courent jusqu'au 5 mai. Ça va de 24 heures de travail à Bourges à 10 heures diurnes (8 h 30-18 h 30) à Orléans. Le Dr Paul-Louis Martin, chef de clinique de 30 ans au CHU de Tours, a déjà utilisé l'outil cinq ou six fois depuis son lancement.
Pour ce jeune médecin dont « l'usine du CHU et son plateau technique de folie » est le quotidien, le fait de s'éclipser dans les petits hôpitaux est une expérience formatrice. « J'ai fait les six départements de la région pendant mon internat, les équipes ne me sont pas inconnues. C'est intéressant d'aller se frotter à des conditions de travail plus difficile qu'au CHU, ça forge le côté clinique ! Et puis, ça arrondit bien les fins de mois. »
Filets de sécurité
Sur son compte personnel, le Dr Martin reçoit directement sur son téléphone les notifications des nouvelles missions après avoir précisé ses disponibilités. Comme la dizaine d'autres jeunes médecins membres du pool régional et utilisateurs de Whoog, libre à lui d'accepter en quatre clics. Il sera alors rémunéré par l'hôpital en demande. Sa connexion à l'appli est gratuite grâce aux subventions de l'ARS.
Si la pénurie médicale est une réalité, pas question d'ouvrir les vannes sans filet de sécurité. Ne remplace pas qui veut. Le postulant a l'obligation de respect du repos de sécurité. Il ne peut s'échapper de son service sans l'aval de son chef et ne peut remplacer sur ses heures de travail.
L'ARS rendra son premier bilan en juillet. À Tours, dix des 45 médecins urgentistes jouent déjà le jeu. Le Pr Laribi espère convaincre ses confrères alentour d'en faire autant. « Rien qu'à l'échelle départementale, si nous pouvons couvrir ne serait-ce que 30 % des absences planifiées ou imprévues, c'est un bénéfice considérable pour l'équipe et bien sûr pour les patients. »
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