Au niveau urologique, l’impact délétère du tabagisme actuel ou passé sur le risque de cancer de la vessie, multiplié par trois avec un effet dose-réponse, et sur celui de cancer du rein (augmenté de 30 %), est bien connu. Ses effets éventuels sur le cancer de la prostate, le plus fréquent chez l’homme, avec quelque 50 000 nouveaux cas par an, le sont beaucoup moins.
L’analyse de la littérature n’apporte aucune preuve d’une quelconque augmentation de l’incidence du cancer de la prostate en lien avec le tabagisme. En revanche, plusieurs études et métaanalyses convergent pour souligner ses effets délétères chez les patients traités pour un cancer de la prostate.
Le tabagisme est associé à un surrisque de récidive biochimique (augmentation du taux de PSA), bien montré dans une vaste étude qui avait inclus plus de 2 300 hommes présentant un cancer de la prostate traité par radiothérapie (1). Au terme d’un suivi de 95 mois en moyenne, les fumeurs actifs avaient un risque de récidive biochimique accru (OR 1,4) comparativement aux non-fumeurs. Le tabagisme était aussi associé à un surrisque de métastases (OR 2,37) et à un doublement du risque de décès par cancer de la prostate (OR 2,25). Une autre étude ayant inclus 1 165 hommes, suivis pendant 39 mois en moyenne après une prostatectomie radicale, a montré que le tabagisme actif était associé à des caractéristiques clinicopathologiques plus agressives des tumeurs prostatiques (2).
Une revue systématique de la littérature et métaanalyse de 28 études a mis en évidence une aggravation de la morbidité et du pronostic, avec une augmentation de la mortalité globale (risque accru de 96 %) et spécifique (surrisque de 79 %) ainsi que du risque de récidive (+ 48 %) chez les hommes qui étaient fumeurs au moment du diagnostic de cancer de la prostate (3).
Autre donnée importante, mise en évidence dans la première étude citée : une toxicité génito-urinaire plus importante de la radiothérapie chez les fumeurs (OR 1,8) et les anciens fumeurs (OR 1,45) que chez les hommes n’ayant jamais fumé.
Des mécanismes encore mal compris
Les mécanismes à l’origine des effets néfastes du tabagisme sur la prostate ne sont pas bien élucidés. Plusieurs pistes peuvent être envisagées : l’impact de la nicotine sur l’angiogenèse, bien démontré chez l’animal mais pas chez l’humain ; des facteurs épigénétiques, notamment via la méthylation de l’ADN ; le rôle toxique direct de certaines substances, comme les nitrosamines et le cadmium ; ou encore une augmentation du taux de testostérone et des modifications de la longueur des télomères au niveau des cellules prostatiques.
Quel impact de l’arrêt ?
Arrêter de fumer au moment du diagnostic de cancer de la prostate permet-il de réduire ce surrisque ? Aucune étude n’a été faite dans ce sens. Mais un travail publié en 2015 ayant porté sur plus de 6 500 patients ayant un cancer prostatique sans atteinte ganglionnaire a montré que le risque de récidive biochimique était comparable que les hommes soient des fumeurs actifs ou qu’ils aient arrêté de fumer depuis moins de 10 ans. Seul un sevrage datant de plus de 10 ans était associé à une atténuation du surrisque (4). Cela plaiderait pour un sevrage tabagique le plus précoce possible.
« Il faudrait absolument évaluer le statut tabagique lors du diagnostic de cancer de la prostate et inciter ces patients, généralement plus sensibles aux arguments santé pendant cette période, à arrêter de fumer, d’autant plus que le tabagisme accroît également le risque de dysfonction érectile. Les urologues, oncologues, radiothérapeutes peuvent adresser leurs patients aux centres de tabacologie pour une prise en charge du sevrage », rappelle le Dr Gérard Peiffer.
Entretien avec le Dr Gérard Peiffer, CHR Metz-Thionville (1) Steinberger E et al. BJU Int. 2015 Oct;116(4):596-603 (2) Sato N et al. Jpn J Clin Oncol 2017 May 1;47(5):453-7 (3) Darcey E et al. Cancer Treat Rev. 2018 Nov;70:30-40 (4) Rieken M et al. Eur Urol 2015 Dec;68(6):949-56
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