L’allergie alimentaire (AA) est fréquente et en augmentation en France. Les données de la cohorte néonatale Elfe estiment que 6 % des enfants en auront des symptômes. Les principaux allergènes sont le lait, l’œuf et l’arachide, mais les fruits à coque sont de plus en plus impliqués. 20 % des patients sont polyallergiques, ce qui rend la prise en charge plus délicate, avec un risque de réactions anaphylactiques (lire p. 30).
Nouvelle option de traitement, l’immunothérapie orale (ITO) est proposée dans les centres experts en allergie alimentaire et permet, notamment, une protection contre les réactions accidentelles, avec à la clé une meilleure qualité de vie. L’exposition accidentelle est en effet, relativement courante, puisque certains allergènes sont ubiquitaires. La plupart des réactions sont dues à un manque de vigilance (erreurs de vérification des étiquettes, ingestion involontaire…), à des contacts croisés lors de la préparation des repas, et elles surviennent souvent en dehors du domicile.
Compte tenu des limites des mesures d’éviction, une induction de tolérance peut être, dans certains cas, envisagée. Seules les ITO à l’œuf, au lait et à l’arachide sont recommandées par l’Académie européenne d’allergie et d’immunologie clinique (1).
Une fenêtre d’opportunité chez le tout-petit
Il n’existe pas de consensus quant à l’âge optimal pour initier une ITO. La position dominante dans la littérature est qu’il vaut mieux attendre que le patient ait atteint l’âge scolaire, puisque les plus jeunes enfants peuvent résoudre spontanément leur allergie (surtout en cas d’allergie au lait de vache et à l’œuf). Ils ont donc été exclus de la majorité des études randomisées contrôlées. Dans les recommandations européennes, l’ITO n’est indiquée qu’après l’âge de 4 ans (1).
Cependant, l’expérience clinique suggère qu’elle serait efficace et sûre chez les tout-petits, et qu’il existerait une fenêtre d’opportunité dans les premières années de vie, favorisant le développement d’une rémission clinique, ce qui a conduit les recommandations Canadiennes à l’indiquer aussi dès cet âge (2).
La démonstration formelle de la notion de fenêtre d’opportunité a été apportée récemment, avec l’étude Impact portant sur 146 enfants âgés de 12 à 48 mois souffrant d’allergie à l’arachide, randomisés pour recevoir une ITO à l’arachide ou au placebo pendant 2,5 ans (3).
Le succès de la désensibilisation était défini par une tolérance à une provocation orale à double insu contrôlée par placebo, de jusqu’à 8 g de protéine d’arachide. Les enfants désensibilisés devaient ensuite observer une éviction complète de l’allergène pendant 6 mois, avant de répéter la provocation. La rémission clinique était définie comme une tolérance à cette deuxième provocation.
La désensibilisation a été obtenue dans 71 % des cas sous ITO, vs. 2 % dans le groupe placebo. La rémission clinique a été atteinte chez 21 % des enfants sous ITO, vs. 2 % dans le groupe contrôle.
Les auteurs constatent une interaction entre l’âge, les niveaux d’IgE spécifiques et les chances de rémission dans le groupe traité par ITO. Le taux de rémission attendu chez un enfant de 12 mois avec des IgE à 10kU/L à la suite d’une ITO se situerait aux alentours de 80 %.
Une biothérapie pour améliorer la sécurité
Le risque d’effets indésirables de l’immuothérapie avec des allergènes alimentaires, notamment, lors de la phase d’escalade, de survenue d’anaphylaxie, représente une limite à son utilisation clinique de routine. Afin d’améliorer le profil de sécurité de l’ITO, tout en maintenant ou en augmentant son efficacité, un traitement adjuvant avec l’omalizumab a été utilisé dans les cas d’allergie grave à l’arachide, au lait de vache, aux œufs, et en cas d’allergies multiples, avec une amélioration clinique significative chez les enfants.
Le traitement doit être individualisé, et surveillé en fonction de l’allergie et de sa gravité. L’omalizumab permet également une désensibilisation plus rapide.
Une approche alternative à l’ITO consiste à utiliser l’omalizumab en monothérapie. Actuellement, la durée optimale du traitement n’est pas connue, et il n’existe pas de protocoles standardisés. D’autres études sont nécessaires pour déterminer si le bénéfice initial apporté par l’omalizumab se traduit par une amélioration à long terme.
D’autres biothérapies sont à l’étude et pourront éventuellement compléter les options dans les prochaines années.
exergue : L’omalizumab peut aussi accélérer la désensibilisation
Communications du Dr Philippe Bégin (CHU de Sainte Justine, Montréal, Canada) et de la Dr Stéphanie Wanin (CHU Trousseau, AP-HP) (1) Muraro A et al. LEN guideline 2022. World Allergy Organ J 2022;15(9):100687 (2) Begin P. et al. Allergy Asthma Clin Immunol 2020;16:20 (3) Lones SM et al. Lancet 2022;399(10322):359-71
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