1 - Les questions clés
L’interrogatoire, en cas de suspicion d’allergie, est capital et minutieux, d’autant plus si cette dernière est d’origine alimentaire. De nombreux éléments sont à faire spécifier par le patient qui doit parfois faire appel à sa mémoire pour se remémorer les moindres détails : circonstances de déclenchement, délai d’apparition des symptômes par rapport à l’ingestion des aliments suspectés, composition du repas ou du plat ingéré… Le médecin généraliste, souvent en première ligne dans la prise en charge de l’urgence, se doit de récupérer un maximum d’informations qui serviront ensuite de base au bilan allergologique proprement dit.
• Les antécédents atopiques familiaux
La première question à poser est toujours la notion d’antécédents atopiques chez les ascendants. Les données du Cercle d’investigations cliniques et biologiques en allergologie alimentaire ( CICBAA) permettent en effet d’affirmer que 66,7 % des enfants présentant une allergie alimentaire ont un parent atopique et que 17,2 % ont leurs deux parents atopiques.
• Le déroulement de l’épisode aigu
Le délai d’apparition des symptômes a toute son importance.
- S’il est de quelques minutes à 2 heures après l’ingestion de l’aliment en cause, si le patient ne peut pas, par exemple, finir son repas en raison de l’apparition d’une urticaire, d’un œdème, d’une crise d’asthme ou d’un choc anaphylactique, l’allergie immédiate IgE-dépendante est fortement suspectée. Il faut alors garder à l’esprit que plus les signes apparaissent vite, plus le risque vital est engagé.
- Si, en revanche, les manifestations cliniques se déclenchent plusieurs heures après l’ingestion d’aliments ou le lendemain d’un repas suspect, il faut alors plutôt penser à un phénomène d’histamino-libération non spécifique gênant, mais non mortel. La prise concomitante de médicaments lors d’un repas est à rechercher puisqu’elle peut modifier le contexte déclencheur de l’allergie en étant soit un facteur favorisant, soit l’origine de l’allergie.
• Des épisodes précédents passés inaperçus
Il est très rare que, d’emblée, lors du premier épisode, les symptômes soient graves. L’interrogatoire permet souvent de mettre en avant des épisodes préalables d’urticaire a minima durant quelques heures ou d’œdème modéré des lèvres. L’allergique s’en soucie parfois peu, prenant un antihistaminique sans prendre garde au risque d’aggravation au fur et à mesure du contact allergénique. Parfois, pour être sûr que c’est une allergie, certains patients vont, au risque de leur vie, manger à nouveau l’aliment sans en évaluer les conséquences. Il est important de les mettre en garde.
• La présence de facteurs favorisant l’anaphylaxie
La prise de certains médicaments ( AINS, aspirine, bêtabloquants, IEC) ou d’alcool peut favoriser ou majorer un épisode d’allergie alimentaire. Ils peuvent même constituer un facteur de risque d’anaphylaxie sévère.
• La rédaction d’un carnet alimentaire
L’apparition d’urticaire ou d’épisodes d’œdèmes dans les heures qui suivent l’ingestion d’un plat ou d’un repas, ou qui se pérennisent dans le temps sans autre facteur déclencheur, doit faire évoquer une histamino-libération non spécifique. Il est alors impératif de demander au patient de rédiger un carnet alimentaire sur un mois et de détecter les erreurs de consommation d’aliments histamino-libérateurs.
• Des allergies connues aux pneumallergènes
La notion de risque d’allergies alimentaires croisées entre pollens (ou acariens ou latex) et aliments doit inciter le médecin à poser la question lors de la consultation. Il sera spécifié par exemple que :
– la pomme, la noisette ou les fruits à noyau, etc. ne peuvent être mangés que cuits chez un allergique au bouleau ;
– l’ingestion de la crevette ou de l’escargot n’entraîne pas d’apparition d’œdème ou d’urticaire chez un allergique aux acariens ;
– le kiwi, la banane ou la mangue n’entraînent pas des symptômes allergiques chez le sujet allergique au latex.
En effet, le patient oublie parfois de le signaler lorsque la rhinite ou l’asthme est le motif initial de consultation. Il évite, de lui-même, les aliments et n’évalue pas forcément ces informations comme importantes.
2 - Particularités chez l’enfant
Il faut avoir certains réflexes lors de la suspicion d’allergie alimentaire chez l’enfant :
1. penser que la pérennisation d’un eczéma atopique peut être due à une allergie alimentaire, la première cause chez le nourrisson et le petit enfant étant le lait de vache ;
2. se rappeler qu’il existe des possibilités de sensibilisation à des allergènes alimentaires in utero ou lors de l’allaitement exclusif ;
3. des troubles digestifs à type de diarrhée ou de vomissements, associés ou non à une cassure de la courbe de poids après l’ingestion de protéines de lait de vache, doivent faire rechercher une allergie alimentaire ;
4. certains enfants ne pourront manger de l’œuf très cuit, d’autres de l’œuf peu cuit, les allergènes d’œuf n’ayant pas la même sensibilité à la chaleur ;
5. ne jamais sous-estimer un risque d’allergie alimentaire plus sévère ; toujours savoir ce que l’enfant a pris lors du premier épisode comme médicament.
3 - Particularités chez l’adulte
1. Si les allergies alimentaires sont plutôt de nature allergies croisées avec des pneumallergènes chez l’adulte, il n’en reste pas moins que les anaphylaxies par allergies vraies sont plus fréquentes et plus sévères.
2. L’eczéma atopique chez l’adulte, comme l’urticaire chronique, est rarement une manifestation d’allergie alimentaire.
3. Attention à l’anaphylaxie à l’effort, liée à l’ingestion le plus souvent d’un aliment contenant du blé, associée à un effort dans les heures qui suivent.
4. Se renseigner sur les traitements pris par l’adulte plus souvent du fait de l’âge (antihypertenseur, AINS, etc.).
À retenir
• Ne jamais confondre une allergie IgE-dépendante et une intolérance.
• L’intervalle entre la consommation d’un aliment et l’apparition des symptômes allergiques est un élément capital.
• Ne jamais se fixer sur un aliment suspect dans un repas parce qu’il est connu comme un allergène potentiel alors qu’un autre en est en réalité la cause. Seul le bilan allergologique pourra le confirmer.
• Ne jamais confondre une allergie IgE-dépendante et une intolérance.
• L’intervalle entre la consommation d’un aliment et l’apparition des symptômes allergiques est un élément capital.
• Ne jamais se fixer sur un aliment suspect dans un repas parce qu’il est connu comme un allergène potentiel alors qu’un autre en est en réalité la cause. Seul le bilan allergologique pourra le confirmer.
Dr Catherine Quéquet
Allergologue
Bibliographie
• Moneret-Vautrin DA et coll. Les allergies alimentaires de l’enfant et de l’adulte. Editions Masson, Paris, 2006.
• Bouvier M et coll. Particularités de l’allergie à l’arachide chez l’adulte. Revue Française d’Allergologie 2009 ; 49 : 227-9.
• Beaudouin E. Anaphylaxie alimentaire induite par l’effort : épidémiologie et aspects cliniques
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