En France, la majorité des cancers du rein sont diagnostiqués au stade localisé. Mais après la néphrectomie, il existe un risque de rechute variant de 20 à 70 % en fonction de la taille de la tumeur (pT), de son stade, de son grade nucléaire, de la présence d’une atteinte ganglionnaire (N) ou d’une métastase (M). Parmi les anti-angiogéniques évalués en prévention de ces rechutes, un seul, le sunitinib, avait montré sa capacité à retarder la rechute sans bénéfice sur la survie et avec des effets indésirables certains. Il n’a donc pas été recommandé en France.
Ainsi, KEYNOTE-564 est la première étude à se montrer très positive avec une immunothérapie en situation adjuvante. La molécule évaluée est le pembrolizumab, un anti-PD1 utilisé actuellement dans le cancer du rein métastatique en association à un anti-angiogénique.
Dans cet essai multicentrique de phase 3 mené en aveugle, les 994 patients ont été randomisés dans les 12 semaines suivant la résection complète pour recevoir soit du pembrolizumab (n = 496) à raison d’une injection toutes les trois semaines pendant un an, soit le placebo (n = 498). Ils ont été classés en trois groupes selon leur niveau de risque de récidive :
- risque intermédiaire/élevé (pT2, grade 4 ou sarcomatoïde, N0 M0 ; ou pT3, tout grade, N0 M0) : il s’agit du groupe de patients le plus nombreux (87 %), ayant un risque de rechute de 20 à 45 % à cinq ans;
- haut risque (pT4, tout grade, N0 M0 ; ou pT tout stade, tout grade, N+ M0) : 7 % des patients, avec un risque de rechute supérieur à 50 %;
- M1 NED, pour « No Evidence of Disease » : 5,8 % des patients, opérés aussi d’une métastase locale dans l’année suivant la néphrectomie et dont la pathologie est beaucoup plus agressive.
Le statut PDL1 était défini par le score positif combiné (CPS), qui était positif (≥ 1) chez 75 % des patients.
Une réduction d’un tiers du risque de récidive
Après un suivi médian de deux ans, la survie sans maladie (SSM) était de 77,3 % avec le pembrolizumab contre 68,1 % sous placebo (p = 0,0010), soit une réduction significative de 32 % des décès et rechutes locales ou à distance (critère principal). Ce bénéfice se retrouvait dans tous les sous-groupes. L’amplitude du gain en SSM est encore plus grande dans le sous-groupe M1 NED, mais sa taille est trop petite pour en tirer des conclusions.
Le suivi est trop court pour mettre en évidence un avantage sur la survie globale (SG), mais le résultat est encourageant avec un taux de SG estimé à 24 mois de 96,6 % sous pembrolizumab contre 93,5 % avec le placebo (HR = 0,54, p = 0,0164, NS).
Concernant la tolérance sous pembrolizumab, 96,3 % des patients (versus 91,1 % sous placebo) ont présenté au moins un évènement indésirable, sévère (grade 3 à 5) dans 32,4 % des cas (versus 17,7 %). « On observe environ 20 % d’arrêts de traitement sous pembrolizumab pour évènement indésirable. Il faut en tenir compte dans la balance bénéfice/risque chez des sujets atteints de tumeurs localisées, dont environ la moitié ne rechuterait pas en l’absence de traitement », remarque la Dr Laurence Albiges.
Les résultats très positifs de cette étude menée en situation adjuvante pourraient amener à modifier la stratégie thérapeutique chez ces patients, traités actuellement qu’en cas de rechute.
Identifier les patients les plus à risque de rechute
Ces résultats prometteurs nécessitent d'être confirmés dans le même contexte, par des études menées avec d’autres anti-PD1 ou anti-PDL1. Avant d’intégrer le pembrolizumab dans cette situation, il faut attendre les données sur la survie globale, mais aussi sur le profil et les modalités d’éventuelles rechutes et leur réponse thérapeutique.
Il reste à mieux cerner la position de l’immunothérapie adjuvante et à identifier les patients qui en bénéficieraient réellement, sachant que certains ne rechuteront jamais et qu’une partie des effets secondaires est difficilement acceptable alors qu'ils sont déjà potentiellement guéris par le geste chirurgical.
« Toute la question est de savoir s’il faut traiter tous les patients à risque de rechute intermédiaire/élevé ou à haut risque, ou seulement la population la plus à risque (T4, N+) ou M1 NED », explique l’oncologue. La publication finale pourra permettre d’analyser finement d’éventuelles différences entre les patients non métastatiques (M0) à risque intermédiaire/élevé ou ceux à haut risque.
Le statut PDL1 pourrait aider à sélectionner le niveau de risque. Dans KEYNOTE-564, on constate un HR de 0,67 lorsqu’il est positif versus 0,83 lorsqu’il est négatif, ce qui pourrait indiquer que ce biomarqueur enrichit la probabilité du risque. Toutefois, il existe un signal de réponse favorable pour les CPS négatifs, même s’il n’est pas significatif.
D’après un entretien avec la Dr Laurence Albiges (Gustave Roussy, Villejuif)
(1) Choueiri TK et al. Session plénière ASCO 2021. Abstract LBA5
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