« L’immunothérapie ne marche pas dans le cancer colorectal (CCR) sauf chez une fraction de patients MSI, qui ont un défaut de réparation de l’ADN dû à un syndrome de Lynch ou à des modifications épigénétiques », explique le Pr Thierry André (hôpital Saint-Antoine, Paris), qui a présenté l'étude. En France, les CCR MSI représentent 5 % des CCR métastatiques et correspondent à environ 1 250 nouveaux patients par an.
Suite à des résultats de phase II favorables avec un anti-PD-1 (pembrolizumab, nivolumab) seul ou associé à un anti-CTLA4 (ipilimumab), l’étude de phase III Keynote-177 (1) a été mise en place chez 307 patients en première ligne métastatique d’un CCR MSI et/ou Mismatch repair deficient (dMMR). Les patients recevaient soit du pembrolizumab (toutes les trois semaines pendant deux ans maximum), soit une chimiothérapie (FOLFOX 6 modifié ou FOLFIRI), associée ou non à une thérapie ciblée (bévacizumab ou cétuximab).
Un risque de progression réduit de 40 %
Co-critère principal, la survie sans progression est significativement prolongée sous pembrolizumab : 16,5 mois vs 8,2 mois dans le bras de référence (HR = 0,60 ; p = 0,002). « À 2 ans, près de moitié des patients sous pembrolizumab ne progressent pas (48,3 % vs 18,6 % sous chimiothérapie), arrêtent leur traitement et reprennent une vie normale », ajoute le Pr André.
Ainsi, 43,8 % des patients étaient en réponse objective sous pembrolizumab (contre 33,1 % dans le groupe chimiothérapie, p = 0,02375) et 11 % en réponses complètes (versus 3,9 %). De plus, 83 % des patients en réponse au pembrolizumab l’étaient toujours après 24 mois de suivi et ont pu stopper le traitement (versus 35 % des répondeurs à la chimiothérapie). « Il est urgent d’obtenir une AMM et de permettre aux patients d’avoir accès à ce traitement », insiste le Pr André.
Cependant, les stabilisations sont moindres sous pembrolizumab car 30 % des patients progressent en début de traitement. L’explication pourrait venir d’une résistance immunologique de certains patients au pembrolizumab, de pseudo-progressions précoces capables de régresser ou se stabiliser, ou encore d’erreurs de diagnostic de MSI.
Non matures au moment de l’analyse, les données de survie globale seront connues ultérieurement. Leur interprétation sera compliquée par les 36 % de patients sous chimiothérapie ayant eu un cross-over (traités par pembrolizumab à la progression) et les 23 % de patients sortis d’étude recevant secondairement une immunothérapie. « Il est cependant probable que la survie globale soit importante pour la totalité de la population incluse dans cette étude », projette le Pr André.
« Le pembrolizumab est beaucoup moins toxique et astreignant que la chimiothérapie, ajoute l’oncologue. En monothérapie, il présente assez peu d’effets secondaires immuno-induits. ». En effet, 22 % d’effets indésirables sévères (grade 3-4) ont été observés avec l’immunothérapie (versus 66 % sous chimiothérapie). Les principales toxicités sévères sous anti-PD1 étaient des colites (3 %) et des hépatites (3 %), alors que sous chimiothérapie il s’agissait principalement de neutropénies, nausées, diarrhées, fatigues et neuropathies.
(1) André T. et al, ASCO 2020, abstract LBA4
(2) Siena S. et al, ASCO 2020, abstract 4000
(3) Conroy T. et al, ASCO 2020, abstract 4007
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