« La surveillance active est l’option thérapeutique recommandée, depuis 2018, pour tous les adénocarcinomes prostatiques localisés de bon pronostic », explique le Pr Romain Mathieu, urologue au CHU de Rennes et membre du Comité de cancérologie de l’Association française d’urologie (AFU) [1]. La publication de nombreuses études internationales a conduit à en élargir les indications alors qu’elle n’était auparavant proposée que pour des cancers localisés de très bon pronostic avec un nombre de biopsies positives et des envahissements limités.
En pratique, désormais, tout patient avec un cancer prostatique localisé, non palpable au toucher rectal ou palpable sur moins d’un hémilobe, avec un taux de PSA inférieur à 10 ng/ml et un score de Gleason égal à 6 (ISUP 1), doit être informé de la possibilité d’une surveillance active.
Cette proposition pourra cependant être modulée par les données de l’IRM prostatique ou, de plus en plus, par la présence de certaines mutations génétiques. « Globalement, près de la moitié des patients avec un cancer de la prostate localisé sont éligibles à la surveillance active, soit environ 30 à 40 % des patients avec un cancer prostatique nouvellement diagnostiqué », indique le Pr Mathieu.
Une proposition bien acceptée
Pour le spécialiste, « il est essentiel de prendre en compte la psychologie du patient pour lequel l’annonce du cancer est toujours un coup de tonnerre dans un ciel serein ». Le patient n’adhérera à cette surveillance active que si son urologue lui en a bien expliqué les tenants et les aboutissants, qu’il a bien compris que sa tumeur est peu agressive et qu’il est possible de la surveiller sans risque vu son évolution naturelle. Le médecin généraliste traitant a, lui aussi, une fonction importante en apportant au patient les informations nécessaires pour le conforter sur le fait que la surveillance active est une véritable prise en charge thérapeutique.
« Les médecins généralistes, qui ont beaucoup entendu parler du risque de surtraitement du cancer prostatique avec le dépistage par PSA, sont de plus en plus nombreux à reconnaître la surveillance active comme une proposition intéressante pour éviter ce surtraitement », se félicite le Pr Mathieu. Il conseille aux médecins traitants, en cas de doute sur la prise en charge proposée, de contacter l'urologue, « car il est important d’échanger entre praticiens pour lever certains doutes et proposer un discours cohérent au patient ».
D'après son expérience, complète-t-il, « très peu de patients, sauf certains très anxieux, refusent cette surveillance surtout lorsqu’urologue et médecin traitant sont convaincus et ont pris le temps de bien communiquer avec eux ».
Un protocole de suivi très clair
La surveillance active évite de recourir à un traitement curatif dans les cinq ans qui suivent le diagnostic dans près des deux tiers des cas. « Un protocole détaillé de surveillance a été proposé pour la première fois dans les dernières recommandations de l’AFU publiées en 2020. Il préconise un examen clinique tous les six mois avec un dosage du PSA. Les biopsies après IRM seront répétées, en général, un an après le diagnostic puis tous les deux ans », résume le Pr Mathieu (2).
Une élévation unique du PSA ne doit pas conduire à l’arrêt de cette stratégie. « Dans le protocole de surveillance active, le PSA reste important, mais n’est pas le meilleur marqueur en termes de suivi. L’urologue doit apprécier cette élévation du PSA afin de proposer si besoin une imagerie et des biopsies plus précocement », rappelle le spécialiste. La sortie éventuelle de surveillance active pour proposer un traitement curatif (prostatectomie, radiothérapie externe, curiethérapie) ne sera envisagée qu’après une évaluation urologique complète. « Il ne faut pas partir sans précaution sur un diagnostic d’aggravation du cancer prostatique. Par ailleurs, le choix thérapeutique doit tenir compte, certes, d’une progression des lésions estimées en imagerie sur les biopsies prostatiques, mais également de l’espérance de vie et des comorbidités du patient », mentionne l'urologue.
Surtout, « la décision de sortie de surveillance active ne doit pas être considérée comme un échec ou une erreur de prise en charge initiale », souligne-t-il. Médecin traitant et urologue auront informé, dès les premières consultations, le patient de cette possibilité d’arrêt de la surveillance. Le praticien doit rappeler que « des données solides confirment qu’un traitement différé a la même efficacité qu’un traitement réalisé initialement, tout en permettant de conserver au mieux la qualité de vie pendant plusieurs années, en évitant des effets délétères des traitements », insiste le Pr Mathieu.
(1) F. Rozet et al., Prog Urol, 2018 Nov ; 28 Suppl 1 : R81-R132
(2) F. Rozet et al., Prog Urol, 2020 Nov ; 30, Suppl 12 : S136-S251
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