Réduction du risque de décès chez les femmes

Un effet étonnant des anti-estrogènes dans le cancer pulmonaire

Publié le 25/01/2011
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EN SUISSE comme dans les autres pays industrialisés, l’incidence du cancer pulmonaire s’est accrue fortement chez les femmes. En dépit de certains progrès dans la prise en charge, le taux de survie demeure réduit, inférieur à 16 % cinq ans après le diagnostic.

Des indices biologiques indiquent que des facteurs hormonaux semblent jouer un rôle important dans la cancérogenèse pulmonaire. Les cellules de ce cancer expriment des récepteurs d’hormones actives. Les études expérimentales indiquent que les estrogènes pourraient promouvoir la survenue de la tumeur tout comme sa progression.

Les résultats d’études randomisées chez des femmes ménopausées rapportent un risque accru de mortalité par cancer pulmonaire chez celles qui prennent un traitement hormonal substitutif.

Dans l’étude WHI (Women’s Health Initiative), étude randomisée, un excès de risque de décès par carcinome pulmonaire non à petites cellules apparaît (risque relatif de 1,59, accroissement d’environ 60 % du risque), chez les femmes dans le bras hormonothérapie substitutive versus celles dans le bras sous placebo.

Des femmes traitées pour un cancer du sein.

Si l’exposition aux estrogènes accroît chez les femmes, le risque de décès par cancer pulmonaire, les anti-estrogènes ne pourraient-ils pas réduire ce risque ? Telle est la question que Christine Bouchardy et Elisabetta Rapiti, menant une équipe de chercheurs suisses, ont cherché à documenter.

Les auteurs ont utilisé des informations figurant sur le « Geneva Cancer Registry » où sont enregistrés les cas incidents de cancer pulmonaire depuis 1970. Ont été incluses, 6 655 femmes ayant eu un diagnostic de cancer du sein, parmi lesquelles 46 % ont été traitées par anti-estrogènes (tamoxifène). Les auteurs ont comparé les taux d’incidence et de mortalité chez ces deux groupes de patientes à ce qui était attendu dans la population générale, en calculant les ratios standardisés d’incidence (RSI) et les ratios standardisés de mortalité (RSM).

Quarante femmes ont développé un cancer pulmonaire, sur un total de 57 257 années personnes. Les RSI pour le cancer pulmonaire n’ont pas été réduits chez les femmes ayant un cancer du sein, qu’elles soient ou non traitées par anti-estrogènes.

Il en va autrement quand on considère les RSM ; ces ratios sont réduits chez les femmes sous anti-estrogènes (0,13, p < 0,01), mais non chez les femmes n’ayant pas été sous ces traitements (0,76).

Ces différences ne peuvent être attribuées à des différences de comportement vis-à-vis du tabagisme, les groupes étant homogènes à cet égard.

Tout comme d’autres études, on ne trouve pas d’association significative entre l’incidence du cancer du poumon et celle du traitement par tamoxifène. Toutefois, nous ne pouvons exclure un rôle protecteur des anti-estrogènes sur le risque de cancer pulmonaire. Car on observe que les femmes sous tamoxifène présentent un risque inférieur de cancer pulmonaire, même si cela n’est pas significatif et, ce, bien qu’un autre facteur de risque connu du cancer du poumon, la radiothérapie, soit plus souvent donnée aux femmes sous tamoxifène (67 %), qu’aux femmes n’ayant pas ce traitement (48 %). La taille réduite de l’échantillon et la période courte de suivi, pourraient être en partie responsable de ce défaut de résultats.

« Par comparaison avec les chiffres attendus dans la population générale, les patientes souffrant d’un cancer du sein et qui reçoivent un traitement par anti-estrogènes ont une mortalité par cancer pulmonaire réduite. Ces résultats peuvent servir de support à des travaux dans sa continuité, pour tester l’hypothèse : le traitement par estrogènes modifie-t-il le pronostic du cancer pulmonaire ? »

Cancer, édition avancée en ligne, le 24 janvier 2011.

 Dr BÉATRICE VUAILLE

Source : Le Quotidien du Médecin: 8892