Les bénéfices du traitement antihypertenseur sont parfaitement démontrés chez les sujets de plus de 75 ans, sans démence et non institutionnalisés, à la fois pour le risque d’accidents vasculaires cérébraux et d’hospitalisations récurrentes pour insuffisance cardiaque, des événements qui grèvent l’autonomie des patients. « En pratique quotidienne, ce ne sont pas ces effets positifs qui sont visibles, mais les effets indésirables », a rappelé le Pr Jean-Jacques Mourad, interniste à l'hôpital Saint-Joseph à Paris.
Traiter l’hypertension artérielle (HTA) dans la population âgée implique une personnalisation et une évaluation à court terme des objectifs en prenant en compte la variabilité des valeurs tensionnelles, bien plus marquée que chez les sujets plus jeunes. En 2016, un consensus d’experts européens avait souligné la notion d’hétérogénéité des patients, faisant considérer l’âge biologique et la fragilité individuelle avant l’âge physiologique. « Tout l’art consiste à tirer bénéfice du traitement en sachant pondérer les objectifs », a insisté le Pr Mourad. Avec l’âge, la pression artérielle systolique (PAS) tend à augmenter tandis que la diastolique tend à baisser, et il faut donc adapter le traitement afin d’éviter le risque de chutes et de perte d’autonomie.
Un bilan minimal
Que faire en pratique ? Face à une élévation de la PAS, il ne faut pas céder à l’urgence en l’absence de souffrance d’organe. Avant de débuter un traitement, un bilan minimal s’impose : automesure ou mesure ambulatoire de la pression artérielle (PA), mesure de la PA debout, bilan OMS, ECG (des troubles conductifs peuvent s’aggraver sous traitement), Mini mental score (MMS) pour fixer les objectifs dans le temps et évaluation de la fragilité et de l’espérance de vie.
Il ne faut pas introduire un traitement pharmacologique sans certitude du niveau tensionnel réel, ni prescrire un bloqueur du système rénine angiotensine (BSRA) ou un diurétique sans ionogramme préalable, ni un bêtabloquant, du vérapamil ou du diltiazem sans ECG. En cours de traitement, la surveillance biologique doit être adaptée au débit de filtration glomérulaire, à contrôler tous les trois mois s’il est < 30 ml/min/1,73 m2, tous les six mois s’il est < 60 et tous les neuf mois s’il est < 90. BSRA et diurétiques doivent être arrêtés en cas de fièvre ou de canicule, sans crainte d’un rebond en cas d’arrêt d’une semaine du fait de leur inertie d’action. La recherche d’une hypotension orthostatique au cabinet permet de faire une titration sécurisée et dynamique, en se rappelant que toute titration ne s’évalue qu’après trois à quatre semaines.
À proscrire
Régime sans sel, titration rapide, médicaments « de secours » ou quadrithérapie sont à proscrire, tout comme les examens inutiles (albuminurie, échographie transœsophagienne systématique répétée). De même, il ne faut pas arrêter un traitement sans raison valable, ni prescrire de diurétique de l’anse avant ou après un inhibiteur calcique. En cas d’œdème des membres inférieurs sous inhibiteur calcique, il faut faire la part entre un effet indésirable dû au traitement et une éventuelle insuffisance cardiaque.
Il ne faut pas oublier d’adapter le traitement lors de la transition de prévention, de primaire à secondaire, qui induit un changement radical de l’ordonnance. En prévention secondaire, le choix de la trithérapie dépend de la qualité de la fonction ventriculaire gauche. En cas d’œdème aigu du poumon récidivant, il ne faut pas hésiter à rechercher une sténose des artères rénales, parfois juste par une relecture d’examens d’imagerie antérieure. Enfin, dans le très grand âge, il importe de savoir désacraliser une ordonnance.
D’après la communication du Pr Jean-Jacques Mourad, Paris.
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