Myocardite : un diagnostic complexe

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Publié le 18/02/2022
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La myocardite a été au cœur de l’actualité en raison de sa survenue au cours du Covid-19 ou dans les suites de la vaccination. Elle n’est pas rare et son pronostic est assez mauvais. Le diagnostic repose sur la combinaison de critères cliniques, biologiques, électriques et radiologiques.
Les recommandations françaises incitent à réaliser une biopsie myocardique en cas de suspicion

Les recommandations françaises incitent à réaliser une biopsie myocardique en cas de suspicion
Crédit photo : phanie

Concernant 22 personnes pour 100 000 par an, la myocardite est dix fois plus fréquente que l’endocardite. Elle se définit par une inflammation aiguë ou chronique du myocarde. Elle survient après des infections en particulier virales, la prise d’agents toxiques, des maladies systémiques par action directe ou activation du système immunitaire.

Malgré les récents progrès dans la prise en charge, la mortalité due à la myocardite reste importante, et peut être précoce au cours de la phase aiguë ou en cas de forme fulminante. Au long cours, elle est de 10 % à cinq ans et survient à 42 ans en moyenne (alors qu'à cet âge la mortalité dans la population globale est normalement de 1 %). Elle est corrélée à l’altération de la fraction d'éjection ventriculaire gauche initiale.

Des signes cliniques hétérogènes

L’expression clinique s’étend de la forme aiguë évoquant un syndrome coronarien à un tableau plus chronique de dysfonction ventriculaire, en passant par la redoutable myocardite fulminante. La symptomatologie n’a rien de spécifique. Elle peut se présenter comme une douleur thoracique aiguë, l’apparition ou l'aggravation d’une dyspnée au repos ou à l’exercice (avec ou sans signes d’insuffisance cardiaque droite ou gauche), mais aussi par des palpitations, une arythmie, une syncope, voire un choc cardiogénique inexpliqué. À l’ECG, les signes sont très variés : modification de l’onde T, troubles de la conduction, du rythme auriculaire ou ventriculaire… Ces troubles du rythme ventriculaire et de la conduction témoignent souvent d’une forme grave. La troponine est souvent augmentée. « Si une troponine élevée et des anomalies ECG doivent faire écarter les autres étiologies, en particulier coronariennes, à l’inverse leur normalité n’élimine pas le diagnostic de myocardite », prévient le Dr Pascal Lim, hôpital Henri-Mondor (Créteil). 

Le rôle essentiel de l’imagerie

L’échocardiographie est incontournable pour écarter les autres pathologies comme les valvulopathies, renforcer le diagnostic en montrant des anomalies structurelles ou une dysfonction ventriculaire (droite ou gauche), et évaluer le retentissement sur le myocarde. L’IRM permet la caractérisation tissulaire (œdème, rehaussement tardif, nécrose ou inflammation, hyperhémie myocardique). Cependant, sa sensibilité est moyenne et une IRM normale n’écarte pas le diagnostic de myocardite. Elle sera redemandée dans les 8 à 15 jours si la suspicion clinique est forte.

Selon les recommandations européennes, « toute symptomatologie cardiologique non expliquée par une cause ischémique, ou une cardiopathie préexistante, est très suspecte de myocardite en présence d’au moins un autre critère paraclinique biologique, ECG ou radiologique. En l’absence de symptômes, elle doit être envisagée s’il existe au moins deux critères diagnostiques paracliniques ». Devant une élévation de la troponine, le dosage de certains microARN circulants pourrait à l’avenir permettre de distinguer la myocardite de l'infarctus du myocarde.

Les recommandations françaises sont plus interventionnistes que les américaines. Elles incitent fortement à une biopsie myocardique devant toute suspicion de myocardite aiguë. Mais, avec 1 % de complications, il ne s’agit pas d’un geste anodin. De plus, une biopsie myocardique négative n’élimine pas le diagnostic, aussi a-t-on tendance à ne la faire que dans les formes graves.

Dr Maia Bovard Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin