Identifier un phénomène de Raynaud

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Publié le 18/02/2022

Le phénomène de Raynaud  (PR) est un motif de consultation fréquent. S’il est primitif dans la majorité des cas, il faut toujours rechercher une cause secondaire comme une connectivite ou une artériopathie. Le bilan doit comprendre au minimum le dosage des anticorps antinucléaires et une capillaroscopie périunguéale, voire un doppler artériel.

Déclenché par le froid, le phénomène est paroxystique et dure moins d’une heure

Déclenché par le froid, le phénomène est paroxystique et dure moins d’une heure
Crédit photo : phanie

Le diagnostic du PR est clinique, avec typiquement trois phases au niveau des extrémités (essentiellement la main) : syncopale blanche asphyxique, cyanique de désaturation, rouge hyperhémique douloureuse. Pour confirmer le PR, il faut au moins deux phases, certains auteurs exigeant l’existence d’une phase syncopale. Le phénomène est paroxystique, dure moins d’une heure, et est déclenché par le froid.

Ces caractéristiques permettent d’éliminer les acrosyndromes non vasculaires permanents : canal carpien, algoneurodystrophie, érythème acral secondaire à une chimiothérapie… Mais le diagnostic n’est pas toujours évident, et la phase cyanique peut être isolée en particulier au cours des connectivites. 

Reconnaître une origine secondaire

Selon les études, le PR est primaire dans 60 à 90 % des cas et secondaire dans 10 à 30 %. Dans moins de 10 % des cas, le doute persiste.

Le PR primitif concerne typiquement une femme jeune et mince. Débutant précocement, il est bilatéral, sans troubles trophiques. La manœuvre de Allen est normale (après compression locale des artères radiale et cubitale au niveau du poignet, le patient doit fermer plusieurs fois la main, la levée de la compression entraînant une recoloration rapide et homogène). Il est souvent associé à d’autres symptômes survenant au froid, comme des engelures ou une acrocyanose.

Le PR secondaire est lié majoritairement à une connectivite, surtout la sclérodermie. Il est retrouvé dans 95 % à 100 % des sclérodermies, 85 % des connectivites mixtes, ainsi que dans 10 à 40 % des lupus systémiques, des syndromes de Gougerot Sjögren et des dermatomyosites. Ces PR sont bilatéraux, surviennent après 30 à 40 ans, et peuvent s’accompagner de troubles trophiques ou systémiques. Mais le PR peut précéder de cinq ans les autres manifestations de ces maladies.

Plus particulier, le PR secondaire à une artériopathie au niveau du poignet est plus souvent unilatéral. Il touche plutôt les hommes avec des facteurs de risque cardiovasculaires et exposés à des traumatismes manuels répétés, professionnels ou sportifs. Il peut s’associer à des troubles trophiques. La manœuvre d’Allen est pathologique.

Les PR paranéoplasiques sont assez rares, mais c’est un diagnostic à ne pas manquer. Ils sont de début tardif, bilatéraux, d’emblée sévères et parfois accompagnés de troubles trophiques. 

Anticorps spécifiques et capillaroscopie

« La recherche d’anticorps antinucléaires (AAN) et la capillaroscopie périunguéale sont indispensables devant tout phénomène de Raynaud, quel que soit l’âge. Leur importance a été prouvée dans diverses études », insiste la Dr Patricia Senet (hôpital Tenon, Paris).

Il a été montré qu’en l’absence d’AAN avec capillaroscopie normale, le risque évolutif vers une connectivite est inférieur à 5 %. Un suivi n’est donc pas nécessaire, sauf si la symptomatologie évolue. Si par contre des AAN sont retrouvés ou que la capillaroscopie périunguéale témoigne d’une microangiopathie spécifique, le risque d’évoluer dans les cinq ans vers une connectivite est de pratiquement 50 %. Menée chez plus de 500 patients, une étude de l’Alliance européenne des associations de rhumatologie (EULAR) confirme que si deux des trois critères (anticorps spécifiques, capillaroscopie anormale, doigts boudinés) sont présents, le risque de sclérodermie est de 80 à 95 % à cinq ans. Ces malades doivent être suivis au moins cliniquement pendant cinq ans.

Dans les PR unilatéraux, la réalisation d’un doppler artériel du membre supérieur, avec explorations des artères distales, permet de rechercher des anévrismes ulnaires ou des thromboses avec emboles distaux. 

Des traitements imparfaits

La protection contre le froid, non seulement des mains mais de tout le corps, est indispensable et suffit généralement dans les PR primaires.

L’attitude est plus interventionnelle dans les formes secondaires où le PR représente une cause majeure d’altération de la qualité de vie. Le traitement de première intention repose sur les inhibiteurs calciques. Les inhibiteurs de phosphodiestérase de type 5 (IPDE5) constituent une alternative possible. Ils peuvent être indiqués pour la cicatrisation des ulcères digitaux. L’iloprost (par voie intraveineuse) est réservé aux formes sévères, avec ou sans troubles trophiques. Quant au bosentan, il a un intérêt en préventif dans les ulcères digitaux récidivants. Pour autant, ces traitements ne sont pas toujours bien tolérés et inconstamment efficaces. Quant aux essais portant sur la toxine botulique ou les injections de graisse autologue, ils n’ont pas encore fait leurs preuves.

Dr Maia Bovard Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin