L’hypertension artérielle est une maladie fréquente, mais l’urgence hypertensive, quant à elle, est beaucoup plus rare et ne concerne que 1 à 2 % des hypertendus.
Urgences ou poussées hypertensives ?
Il est essentiel de distinguer les urgences hypertensives (hypertensive emergency) des poussées hypertensives (hypertensive urgency). Ces dernières sont le plus souvent une élévation tensionnelle sans atteinte viscérale, survenant chez un patient hypertendu connu et traité. L’hypertension artérielle sévère non compliquée n’est pas une urgence hypertensive et ne relève que d’une prise en charge en ambulatoire visant à réduire progressivement les valeurs tensionnelles.
En revanche, on parle d’urgence hypertensive en cas d’atteinte d’au moins un organe cible, ce qui nécessite une prise en charge sans délai, par voie veineuse.
Les signes de souffrance viscérale de la véritable urgence hypertensive sont le plus souvent une altération de l’état général, des céphalées intenses, une baisse d’acuité visuelle, un déficit neurologique d’origine ischémique ou hémorragique, une confusion, une dyspnée avec orthopnée sur insuffisance cardiaque, un angor, une douleur thoracique sur possible dissection aortique, une protéinurie, une insuffisance rénale aiguë ou encore une éclampsie.
Une étude observationnelle auprès de 200 praticiens
Le Dr Romain Boulestreau et ses collaborateurs (club des jeunes hypertensiologues) se sont donné pour objectif de décrire les pratiques de prise en charge de l'hypertension artérielle (HTA) aux urgences. Sur 205 médecins qui ont répondu à leur questionnaire, 49 % travaillaient dans un centre hospitalo-universitaire.
En cas d’HTA à l'admission aux urgences, la pression artérielle a été quasiment systématiquement contrôlée à distance, ce contrôle comportant trois mesures successives dans un tiers des cas. Un traitement d’emblée n’a été mis en œuvre que dans moins de 16 % des cas.
Si la pression artérielle était supérieure à 180/110 mmHg, un examen neurologique a été réalisé et un bilan comportant un ECG, un ionogramme sanguin et une analyse de la fonction rénale a été majoritairement demandé.
Sept médecins sur 137 ont rapporté demander un fond d'œil souvent ou systématiquement. Bien évidemment, en cas d'hypertension artérielle légère, sans facteur déclenchant ni signes de gravité, les praticiens proposent en règle générale un retour à domicile sans modification du traitement.
50 % d'hospitalisations en cas d'HTA sévère
Si les chiffres de pression sont supérieurs à 160/100 mHg, un praticien sur trois conserve la même attitude. La majorité des urgentistes qui ont répondu à l’enquête ont proposé un traitement, le plus souvent à demi-vie courte. Une hospitalisation est demandée par 16 % des urgentistes, et un avis spécialisé est sollicité dans 25 % des cas.
En cas d'HTA sévère avec signe clinique invalidant (céphalée ou épistaxis) mais sans gravité, un traitement a été systématiquement proposé, en règle générale par voir veineuse, parfois per os, en faisant appel à une molécule à demi-vie courte. Un avis spécialisé a été sollicité une fois sur deux et le patient a été hospitalisé une fois sur deux également. À leur sortie, les patients ont été adressés vers leur médecin traitant ou leur cardiologue, et vers un spécialiste en hypertension dans 20 % des cas.
Un holter tensionnel ou des automesures ont été pratiqués à distance de l’épisode aigu dans un cas sur deux.
Protocoliser la prise en charge
Les urgentistes ont indiqué ne pas disposer d’un protocole de prise en charge de l'HTA aux urgences, alors qu'ils le souhaiteraient. Par ailleurs, deux fois sur trois ils n’avaient pas connaissance d’un spécialiste en hypertension artérielle local, pourtant souhaité par la plupart d’entre eux. Ainsi, comme le soulignent les auteurs, la mise en place de protocoles de prise en charge de l’HTA aux urgences et la disposition de filière de soin avec coopération entre urgentistes et hypertensiologues semblent souhaitables.
D’après la communication du Dr Romain Boulestreau et al. (abs. CO:36).
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