Après une version virtuelle en 2020, c’est un congrès hybride qui a pu finalement se tenir pour les journées dermatologiques de Paris 2021, réunissant plus de 5 000 inscrits en présentiel ou à distance, avec des sessions qui seront disponibles sur 365 jours. « Tout l’intérêt de ces formats est de ne rien sacrifier à la convivialité, tout en assurant l’accès à la rediffusion des sessions au plus grand nombre, ce qui correspond à une forte demande des jeunes, et même des moins jeunes », se félicite le président de la Société française de Dermatologie, le Pr Nicolas Dupin, soulignant aussi que ce congrès est la réunion francophone mondiale la plus importante en ce domaine. Invitée d’honneur qui n’avait pu venir en 2020, la Société Libanaise de Dermatologie était bien présente cette année. « Cela qui nous a permis de découvrir comment nos collègues, dans un pays fortement éprouvé, ont réussi à maintenir leur activité, que ce soit au niveau du soin ou universitaire », raconte le Pr Dupin.
Les sessions plénières ont été marquées par deux invités : « Le Pr Renaud Piarroux, professeur de parasitologie et de santé publique à la Pitié Salpêtrière, à qui on doit la mise en place de Covisan [le dispositif de dépistage et d’accompagnement des personnes positives au Covid], a élargi notre champ de vision sur les épidémies, au-delà de la pandémie actuelle », souligne le dermatologue. Sur un tout autre sujet, le Pr Jean-François Mattei a abordé les problèmes médicaux, sociétaux et éthiques soulevés par les avancées récentes sur l’humain augmenté et les manipulations génétiques.
Focus sur les dermatoses inflammatoires
La meilleure compréhension des mécanismes physiopathologiques a permis de grandes avancées dans la prise en charge du mélanome et du psoriasis aux cours de ces dernières années, mais d’autres pathologies en ont tiré profit. Les maladies inflammatoires, et en particulier la dermatite atopique (lire p. 34) et l’urticaire chronique (lire p. 36) étaient particulièrement mis en avant cette année.
« La dermatite atopique est une des affections dermatologiques pour laquelle on a le plus progressé, avec une nouvelle classe thérapeutique, les inhibiteurs de JAK, qui ont déjà fait leurs preuves dans d’autres pathologies et ont un intérêt potentiel dans de nouvelles indications », explique le Pr Dupin.
Une nouvelle maladie, le syndrome Vexas, a aussi fait l’objet de nombreuses communications (lire p. 37). Il s’agit d’une pathologie systémique touchant divers organes et associée avec des manifestations cutanées dans un certain nombre de cas, qui ne concerne que les hommes car elle est liée à la mutation du gène UBA1 présent sur le chromosome X.
Enfin le prurit aussi est redevenu un sujet de premier plan, avec les travaux des deux prix Nobel de médecine 2021, David Julius et Ardem Patapoutian, sur les récepteurs cutanés et la régulation des neurotransmetteurs. Leurs découvertes ont permis de progresser dans la compréhension des voies de signalisation de ce symptôme, amenant à mieux identifier les mécanismes des différentes formes de prurit et ainsi ouvrir la voie à des molécules, ciblant l’IL13 et l’IL31 par exemple. « Les conférences des Prs Delphine Staumont-Sallé et Laurent Misery furent des moments forts des JDP sur le prurit de la dermatite atopique », souligne le Pr Dupin.
Des réactions vaccinales essentiellement bénignes
Après Covid-skin, sur les signes cutanés de l’infection Covid, la Société Française de Dermatologie (SFD) a réalisé Covac-skin, une étude prospective multicentrique dont l’objectif était de décrire et de catégoriser les différents types de réactions cutanées retardées, observées après la vaccination anti-Covid. 195 patients ont été recrutés entre juin et septembre 2021. Les résultats confirment ceux relevés dans d’autres cohortes, aux États-Unis, en Espagne ou en Italie. On relève de 1 à 3 % de réactions cutanées retardées après vaccin à ARNm.
L’étude espagnole avait identifié six profils de réactions : le « Covid arm » ou « bras Covid », une nouvelle entité, l’urticaire ou l’angio-œdème, l’exanthème morbilliforme, l’exanthème papulovésiculeux ou pseudo-vésiculeux, l’éruption PRG-like (pityriasis rosé de Gibert) et le rash purpurique ; d’autres réactions ne rentrent pas dans ces profils type, comme la réactivation ou le déclenchement d’une dermatose.
Le « bras Covid » est l’effet retardé le plus fréquent. Localisé, il s’agit de plaques rouges en regard ou à proximité de la zone d’injection, survenant de 3 à 4 jours après celle-ci. Il s’agit d’une réaction inflammatoire traduisant une hypersensibilité et non une allergie, et qui ne se reproduit que dans 30 à 50 % lors des vaccinations ultérieures. Elle est spontanément résolutive.
On a aussi constaté des manifestations plus diffuses — exanthèmes, rashs, engelures, etc. Il faut souligner que ces effets peuvent également être observés après d’autres vaccins ou au cours de viroses, y compris avec le Sars-COV-2. Les mécanismes sont mal connus, vraisemblablement immuno-induits.
Enfin, il a été noté la réactivation possible de pathologies bien contrôlées : lichen plan, psoriasis ou autres dermatoses auto-immunes. « Ces effets secondaires cutanés sont très variés, rares, et c’est seulement le phénomène de la vaccination de masse qui a permis de les mettre en évidence, souligne le Pr Dupin. Ces données sont rassurantes, car on n’a pas observé de formes graves. Les atteintes les plus sévères ont connu une évolution favorable avec des corticoïdes locaux voire oraux. Elles ne contre-indiquent pas le rappel vaccinal. »
Dermatoses de contact au temps du Covid
Autre conséquence du Covid en dermatologie, les dermatoses de contact sont devenues fréquentes, du fait du port de masques et de la désinfection régulière des mains. Au niveau des mains, les lésions les plus classiques sont les dermites irritatives, mais on a pu observer aussi des eczémas de contact ou des dermatites atopiques. Le port du masque provoque le plus souvent des dermites irritatives (plus de la moitié des réactions cutanées), mais peut aussi entraîner des exacerbations d’acné ou de dermite atopique. Les eczémas de contact sont plus rares.
Les allergènes les plus fréquents sont le nickel — présent dans les barrettes supérieures du masque — et des conservateurs, comme la méthylisothiazolinone. Dans deux études américaines, les allergies de contact sont liées le plus souvent au nickel, aux colles et conservateurs, aux additifs du caoutchouc, au niveau des élastiques des masques, mais aussi aux parfums et au baume du Pérou.
Exergue : « La dermatite atopique est une des affections dermatologiques pour laquelle on a le plus progressé »
Entretien avec le Pr Nicolas Dupin, président de la Société française de dermatologie (SFD)
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