Les modalités de prévention secondaire et tertiaire de la dermatite atopique (DA) sont assez bien codifiées. Le recours aux émollients, aux dermocorticoïdes et au tacrolimus en topique est préconisé pour prévenir les récidives et l’éducation thérapeutique pour réduire les conséquences de la maladie.
En prévention primaire en revanche, il n’y a aujourd’hui pas de stratégie validée et consensuelle, qu’il s’agisse de la population générale ou de celle à risque. Deux études publiées il y a quelques années avaient souligné les bénéfices des émollients utilisés de façon précoce, dès les premiers jours de vie, chez des nouveau-nés à risque, se traduisant par une réduction de 50 % du risque de développer une DA à 6 mois et à un an. Une approche dont le rationnel se fondait sur les effets des émollients sur la qualité de la barrière cutanée et le blocage de la cascade inflammatoire.
Mais ces résultats positifs n’ont pas été confirmés par les études récentes, notamment l’étude Beep, qui a inclus 1 395 nouveau-nés à risque (atopie avérée au premier degré), soit 12 fois plus que l’étude américaine positive de 2014. Selon ce travail – dont les résultats n’ont pas encore été publiés mais présentés lors du dernier Congrès mondial de dermatologie (WDC 2019) – l’application quotidienne d’émollient sur l’ensemble du corps (à l’exception du scalp), débutée dans les trois premières semaines de vie et poursuivie pendant un an, n’a pas permis de réduire l’incidence de DA à deux ans : 25 % dans le groupe émollient versus 23 % dans le groupe contrôle. Outre l’absence de bénéfice sur le risque de DA, cette étude a mis en évidence une possible augmentation du risque d’allergie alimentaire IgE-médiée après application précoce d’émollients.
Ces résultats décevants peuvent en partie s’expliquer par le caractère multifactoriel de la DA, qui est influencée par le stress maternel, le tabagisme, la prise d’antibiotiques, la consommation d’alcool, le climat, la pollution ou encore l’exposition précoce à la poussière et aux pathogènes.
Un rationnel physiopathologique
Le recours aux probiotiques oraux suscite actuellement de nombreuses recherches. Contrairement aux émollients, ils sont inefficaces en traitement curatif, mais semblent avoir une certaine activité en prévention primaire, en particulier chez les enfants à risque. Différentes études ont conclu à une réduction du risque de développer une DA, avec des odd ratio allant de 0,64 à 0,78. Ils agiraient sur la dysbiose cutanée et digestive, possiblement par l’induction de cellules dendritiques tolérogènes au niveau intestinal, qui, selon des travaux menés sur un modèle murin, réguleraient l’inflammation cutanée.
Dans ses recommandations qui datent de 2015, la WAO (World allergy organization) propose la prise de probiotiques (mélange de souches) au dernier trimestre de la grossesse et au cours des 6 premiers mois de vie – période considérée comme une fenêtre d’opportunité – chez les enfants à risque, en soulignant que le niveau de preuve reste faible. Comme l’a rappelé la Dr Audrey Nosbaum (Lyon), en la matière c’est le « bon sens paysan » qui prévaut : manger sain et équilibré, en incluant des produits fermentés (yaourts, fromage, choucroute…) et en évitant les laits gélifiés, qui ne contiennent pas de probiotiques. À noter qu’il existe aujourd’hui toute une variété de laits maternisés enrichis en probiotiques.
Communication de la Dr Audrey Nosbaum, Lyon
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