Les skin tears (littéralement « accrocs de peau ») sont des plaies aiguës concernant essentiellement les personnes âgées. Elles sont liées à des lésions traumatiques séparant les couches cutanées, de façon soit superficielle entre épiderme et derme ou profonde entre derme et structures sous-jacentes. Elles sont fréquentes, généralement provoquées par des traumatismes peu importants, chocs, chutes, mais aussi par des manipulations lors des soins, enfilage de bas, prise de sang, garrot, lever du fauteuil roulant, pansement adhésif, etc. Elles surviennent volontiers sur des hématomes.
La classification de l’International skin tear advisory panel (Istap) distingue la déchirure sans perte tissulaire, linéaire ou avec un lambeau cutané qui peut être repositionné, de la déchirure avec perte tissulaire partielle ou totale, exposant le lit de la plaie en entier.
Phénomène de dermatoporose
Ces déchirures cutanées surviennent sur une peau atteinte de « dermatoporose », liée au vieillissement et favorisée par l’exposition solaire et ou les corticothérapies prolongées, orales ou locales. La dermatoporose se caractérise par trois lésions élémentaires, le purpura de Bateman ou purpura sénile, des pseudo-cicatrices et une atrophie cutanée.
Ce purpura donne une coloration brunâtre et des taches purpuriques ne s’effaçant pas à la pression, survenant spontanément ou après un traumatisme minime. Il peut parfois être pris à tort pour des hématomes dus à des coups !
Les pseudo-cicatrices blanchâtres superficielles, spontanées ou non, touchent surtout le dos des mains, les avant-bras et la face postérieure des bras. On les retrouve chez 20 à 40 % des plus de 70 ans, elles prédominent chez les femmes.
L’atrophie cutanée, liée à diminution du derme et de l’épiderme, donne une peau très fine, ridée et translucide, surtout sur les zones qui ont été exposées au soleil, avec persistance du pli cutané lié à la perte d’élasticité.
Repositionner le lambeau
Les déchirures cutanées cicatrisent en 7 à 21 jours, mais la cicatrisation peut être retardée — par un diabète, un œdème des membres inférieurs, la dénutrition, une AOMI — et passer à la chronicité.
La douleur doit être immédiatement prise en charge ; une anesthésie locale est parfois indispensable avant les soins. La plaie sera lavée au sérum physiologique ou à l’eau, avec une irrigation à faible pression, en enlevant tout débris ou hématome résiduel, avant de sécher très doucement la peau périlésionnelle.
En l’absence de perte tissulaire, on repositionne les berges pour couvrir le lit de la plaie. Si elle est partielle, on rapproche les bords, et on recouvre la plaie avec un pansement adapté. Repositionner le lambeau est essentiel mais pas toujours évident. Une compresse imprégnée de sérum physiologique sera appliquée pendant 5 à 10 minutes pour le réhydrater. On peut s’aider d’un doigt ganté, d’un coton humide, d’une bande de silicone, d’une pincette ou, mieux, d’un écouvillon non tissé et humidifié.
Le pansement doit être facile à appliquer et à retirer ! On choisira une interface siliconée ou un hydrocellulaire mince adhérant à la peau saine et non au lit de la plaie, qui sera laissée 5 à 6 jours en changeant uniquement les pansements secondaires. L’astuce pour ne pas arracher le lambeau en enlevant le pansement : marquer avec une flèche le sens du retrait sur le pansement. « Pour ne pas majorer la déchirure, il faut surtout éviter sutures et strips, bandes adhésives, hydrocolloïdes, gazes et la polyvidone iodée, qui risque de déchirer la plaie », prévient Maud Vanderbrugghe (Cadre de santé, Hôpital Bretonneau, AP-HP).
On protégera la peau périlésionnelle avec un produit barrière pour éviter la macération si la plaie est très exsudative et un émollient sur une large zone entourant la plaie, pour éviter d’autres déchirures.
La lésion survenant fréquemment sur un hématome, il faut contrôler le saignement avec un alginate, en surélevant le membre et en appliquant une compression adaptée à l’état vasculaire du patient.
En cas d’infection locale, on peut proposer un pansement alginate ou hydrofibre, ou un pansement antimicrobien à l’argent ou au PHMB (polymère d’hexaméthylène de biguanide).
Un lambeau qui devient pâle ou foncé n’est plus viable et requiert une détersion mécanique et un pansement adapté. « En dehors des complications à type de nécrose, ou d’infection du lambeau, on craint, particulièrement au niveau des membres inférieurs, une évolution en ulcère de jambe, du fait de l’œdème et de la maladie vasculaire périphérique sous-jacente, qui peut nécessiter une compression à allongement court adapté à l’état circulatoire », insiste la Dr Nathalie Faucher (gériatre, Hôpital Bichat, AP-HP).
Exergue : Le lambeau est réhydraté 5 à 10 minutes par une compresse de sérum physiologique
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