La première vaste étude de morbimortalité d’un inhibiteur de réabsorption urinaire du glucose (anti SGLT-2) l’empaglifozine (Jardiance, Boehringer Ingelheim/Lilly), est venue apporter du baume au cœur des diabétologues réunis au congrès européen de l’EASD. C’est en effet la première fois que l’on observe dans le diabète de type 2 une réduction significative des décès cardiaques et totaux sous traitement antidiabétique dans l’histoire de la diabétologie. Et ceci avec panache puisque l’empaglifozine est associée à une réduction relative importante à la fois des décès cardiaques - moins 38 % - et de la mortalité totale - moins 30 % - à 3 ans de suivi moyen sur des diabétiques de type 2 à haut risque (1).
Pour mémoire, depuis les controverses sur le bénéfice risque des glitazones, des nouvelles insulines... et les échecs cuisants de certains essais d’intensification à marche forcée, les agences sanitaires imposent que tout nouvel antidiabétique fasse l’objet d’études de morbimortalité. Ces vastes études cliniques randomisées visent à tester l’absence de surrisque cardiovasculaire à moyen terme et plus largement à s’assurer de la sécurité de ces nouvelles molécules. Menées versus placebo sur un fond de prise en charge standard optimale sur des populations à haut risque cardiaque, ces études sont construites pour satisfaire les critères de non-infériorité imposés par les agences. On n’est donc pas dans de vastes essais visant à mettre en évidence un bénéfice cardiovasculaire sur les événements majeurs (MACE : décès cardiovasculaires, infarctus et AVC). Enfin il s’agit d’études cliniques de durée limitée à quelques années alors que le bénéfice d’un meilleur contrôle glycémique mettrait près de 10 ans à se traduire en infarctus AVC et décès cardiaques si l’on se réfère aux conclusions du suivi d’UKPDS et à l’hypothèse d’une « mémoire glucidique ».
Rappelons que les études de morbimortalité de même type publiées cette année comme l’étude TECOS avec la sitagliptine (anti-DDP4, et ELIXA) [première étude de morbimortalité sur un agoniste GLP1] avec le lixizénatide… si elles ont parfaitement satisfait le critère de non-infériorité n’ont en revanche pas apporté la preuve d’une supériorité. Alors qu’à Stockholm, EMPAREG a fait carton plein tout en soulevant de nombreuses questions.
«Les courbes de survie divergent très précocement, dès le troisième mois », souligne Silvio Inzucchi, (Yale Diabetes Center, New Haven, États-Unis) coordonnateur de l’essai publié simultanément dans le NEJM (2). L’impact favorable de l’empaglifozine est donc difficile à mettre en rapport avec un « simple » effet glycémique. D’ailleurs le critère primaire MACE associant décès cardiovasculaire/infarctus/AVC est tout juste significatif. En revanche les bénéfices en terme de décès cardiaques et/ou de mortalité totale sont très importants et significatifs. Pourquoi une telle dissociation ?
«La plupart des bonnes études posent plus de questions qu’elles n’en résolvent. Et peut-être qu’on a tout faux dans le diabète depuis 50 ans, commente Silvio Inzucchi. On a contrôlé la glycémie mais jusqu’ici on l’a fait - pharmacologiquement - sans contrôler l’excès d’apport calorique. L’empaglifozine, en augmentant l’excrétion urinaire de glucose, pèse sur les apports caloriques. Il faut peut-être complètement repenser notre stratégie. Et nous sommes impatients de voir comment cette étude va venir impacter les recommandations », conclut-il.
Quoi qu’il en soit, « on tient là quelque chose de nouveau pour améliorer le pronostic cardiovasculaire des diabétiques de type 2 à haut risque. Et c’est une très bonne nouvelle », résume le Dr Hertzel Gerstein, (McMaster Université, Hamilton, États-Unis) qui commentait l’étude en séance plénière. « EMPA-REG a identifié un traitement, l’empagliflozine, qui peut sauver de nombreuses vies. Les résultats sont inattendus. Ils ouvrent de nouvelles pistes de recherche. Et l’empaglifozine pourrait devenir la première ligne de traitement des diabétiques de type 2 d’age mûrs à risque cardiovasculaire. Avec un effet classe probable mais qui reste à vérifier ».
2) Zinman B, Wanner C, Lachin JM, et al. Empagliflozin, Cardiovascular Outcomes, and Mortality in Type 2 Diabetes. NEJM 2015; DOI : 10.1056/NEJMoa1504720
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