Prévention de la maladie

Des comportements difficiles à modifier

Publié le 16/09/2011
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Crédit photo : S Toubon

L’ÉTUDE SHIELD poursuivait un double objectif, d’une part apprécier le poids du diabète dans un échantillon de population représentatif aux États-Unis et d’autre part parfaire la connaissance des facteurs qui prédisposent au développement d’un diabète dans un délai de cinq ans.

Il s’agit d’une enquête par voie postale qui a débuté en 2004 et a concerné 20 001 personnes sélectionnées en raison de l’existence d’un diabète (type 1 ou 2) ou présentant des facteurs de risque*. Le taux de réponses aux différents envois (questionnaire initial puis sur base annuelle pendant 5 ans) a toujours été supérieur à 70 %.

Une population représentative.

Les questions posées permettent d’apprécier de façon longitudinale le risque métabolique des sujets ainsi que leurs croyances à propos des maladies, leurs habitudes de vie et leur évolution dans le temps. Globalement, le profil des répondeurs se superpose au profil type mis en évidence dans l’enquête nationale sur la nutrition et la santé (NAHNES 1999- 2002), sauf pour les dyslipidémies qui sont nettement plus prévalentes pour tous les niveaux d’indice de masse corporelle (IMC) dans NAHNES. Le risque de diabète de type 2 croît parallèlement à l’augmentation de l’IMC.

Une attention particulière a été portée aux comportements des sujets diabétiques et, à l’opposé, aux sujets à faible risque (présence de seulement 0 à 2 facteurs de risque*.

Connaissance versus attitude.

Tant pour les diabétiques que pour les sujets à faible risque, les résultats indiquent une assez bonne connaissance du rôle délétère de l’obésité et du diabète. Seuls 10 % pensent que le diabète est uniquement un problème de sucre. Plus de 80 % des répondeurs fait la relation entre prise de poids et alimentation et plus de 50 % déclarent essayer d’éviter de grossir ou essayer de maigrir. Malheureusement, en dépit des incitations des professionnels de santé, ceux qui s’astreignent à un régime diététique ou qui font de l’exercice régulièrement sont très largement minoritaires. Ainsi, 80 % des répondeurs admettent ne pas faire du tout ou suffisamment d’exercices physiques.

Des résultats similaires ont été documentés chez les répondeurs ayant des degrés divers de risque cardiovasculaire et ce volet de l’analyse indique même une sorte de rejet des attitudes qui pourraient être bénéfiques, en l’occurrence maigrir ou au minimum ne pas grossir et faire plus d’exercice physique.

Un des rares points vraiment positif de ce triste constat est la notion que la multiplication des contacts avec les professionnels de santé au sens large permet d’approfondir l’information et l’éducation ainsi que la mise en œuvre (mais pas nécessairement la poursuite) d’interventions plus personnalisées.

Essai à transformer.

Au final, de cette enquête il ressort que les facteurs de prédisposition et de risque de développement d’un diabète sont connus et que globalement il y a un bon degré de connaissance de la maladie et de ce qu’il faut faire pour la prévenir... Mais cette connaissance n’est apparemment pas suffisante pour induire la correction des habitudes de vie néfastes.

Comme l’a souligné James Gavin dans son analyse personnelle des résultats, le grand défi est de trouver le ou les facteurs susceptibles de transformer information, connaissance et éducation en modification du comportement.

Diverses pistes ont été suggérées, trois méritent certainement réflexion :

– il ne suffit pas de dire aux gens de marcher, courir ou faire du vélo, il faut que dans leur environnement journalier les moyens de le faire soient présents (trottoirs, pistes ou couloirs cyclables, parkings à vélo dans les entreprises…) ;

– il ne suffit pas dire aux gens qu’ils doivent manger sainement, il faut que dans leur environnement ils aient la possibilité de trouver ce type de nourriture au moins aussi aisément qu’un fast-food et de préférence à un coût qui soit comparable. Le combat contre l’obésité est perdu tant qu’un repas comportant fruits et légumes est moins facile à trouver et plus cher qu’un hamburger ;

– au lieu de dire aux gens qu’ils doivent maigrir, ce qui semble extrêmement difficile à obtenir de façon durable pour beaucoup d’individus, nous serions sans doute mieux avisés de nous concentrer sur la maîtrise du poids et apprendre aux gens à ne pas grossir.

Vaste programme.

D’après les communications de Harold E. Bays (Louisville), Andrew J Green (Overland Park) & James R Gavin III (Atlanta) lors du symposium "Final Results of the SHIELD Study - Epidemiologic and Public Policy Considerations from a Five-Year Prospective Diabetes Mellitus Study".

*obésité abdominale, IMC = 28 kg/m2, problèmes lipidiques, hypertension, antécédents cardiovasculaires

Dr JEAN-CLAUDE LEMAIRE

Source : Le Quotidien du Médecin: 9005